Le Kailash, au Tibet, est l'axe du monde, le mont Meru, pour les grandes religions asiatiques. Ce récit de voyage va nous y conduire et nous faire partager la ferveur des pèlerins de toutes origines, mais surtout bouddhistes, qui en font le tour à pied avec un équipement précaire, à une altitude qui atteint près de 6000 mètres.
Notons d'abord que ce mont n'a jamais été escaladé, par crainte d'offenser les divinités censées y résider. Il faut que cette crainte soit forte et qu'elle dépasse les superstitions habituelles ! Le Kailash a une altitude de 6714 m et des montagnes plus rudes ont été vaincues. Il faut reconnaître que ces divinités de l'hindouisme, du bouddhisme ou du bön sont violentes et effrayantes. Citons par exemple Shiva qui y réside et dont le pouvoir n'est rien moins que celui de la destruction du monde...
Ce récit de voyage est consacré strictement aux péripéties d'un cheminement difficile et aux rencontres qu'il a permises. On découvre, entre autres, combien ce bouddhisme populaire est terre à terre et surtout sans passion. Le monde est ainsi et les divinités sont là. Un point c'est tout. Un pèlerin, en grande prosternation, c'est-à-dire allongé sur le sol face à ses dieux, n'hésitera pas, dans cette position à vous faire un sourire à votre passage pour vous saluer, vous l'étranger. On est loin de l'abstraction hargneuse de nos monothéismes qui se glorifient d'exclure et de massacrer. Même si l'histoire doit aussi retenir les violences commises par ces religions, y compris dans ce Tibet idéalisé par l'Occident.
Au-delà des hommes, c'est aussi ces paysages exceptionnels que CTh nous aide à imaginer. Ayant fait ce voyage en 1998, je crois pouvoir affirmer que je n'ai trouvé nulle part un auteur les décrivant aussi bien, dans leur silence et leur immensité minérale. C'est un autre monde que ce plateau tibétain de l'Ouest, presque vide, aux ciels immenses et aux horizons démesurés qui tolère le voyageur. Nous y sommes ailleurs, comme au coeur d'une abstraction où les hommes ne pèsent pas lourd. Une expérience inoubliable que ce récit conforte parfaitement.
Un regret : cette partie du Tibet, le Guge, a été le lieu d'un royaume important vers l'an mil, mal connu, mais qui a laissé des restes architecturaux magnifiques encore visibles et des peintures impressionnantes, refaites de nombreuses fois, en particulier au 15e siècle. Deux centres sont particulièrement remarquables, Töling et surtout Tsaparang. Le livre n'en dit rien. Dommage, car cela fait partie de la magie des lieux.
Ce récit est une grande réussite qui sait communiquer à la fois ce que ce pays a d'exceptionnel, mais aussi d'humain, proche de nous. C'est ce pays qui nous parle, non ses dieux.