edde kamal jann

 

Un roman dur, excessif, qui se repaît de la schizophrénie des hommes et de leurs sociétés, ici dans le monde arabe, pour les dénoncer. Mais au nom de quoi et de quelle idéologie ? On peut tout craindre, car l'indignation n'est qu'une attente, facile à partager, mais que le pire peut remplir si intelligence, expérience et caractère ne prennent pas le pouvoir.

 

Le début de ma lecture m'avait enthousiasmé. L'auteur, riche de plusieurs cultures, sait nous parler de son Liban et de la Syrie proche avec des accents convaincants. Et, quoi de mieux qu'un roman pour ajouter l'empathie pour les hommes et leurs drames à la compréhension des choses ? Mais, peu à peu un brouillard pesant se lève et enveloppe la route de l'intelligence de ce monde arabe en détresse. Il nous reste les pantins souvent odieux d'un roman qui se roule dans un torrent de trahisons, de vénalité, de crimes et d'égoïsme. L'ennui n'est pas loin.

La somme des intrigues des personnages ne fait pas celle d'un roman. Certes, chacun est croqué d'une manière forte et souvent convaincante. En particulier les portraits de ces femmes puissantes qui tirent les ficelles, sont remarquables. Sans parler de ce français au verbe élégant, archétype de l'impuissance satisfaite. Mais c'est oublier les franches caricatures sans doute gonflées à l'exécration que l'auteur éprouve pour elles, mais qui y perdent leur poids, comme le représentant du Mossad ou certains personnages américains.

Et puis il y a un tic qui finit par exaspérer. Dans presque chaque page, un personnage se dédouble pour contempler son autre part, avec incompréhension et souvent répulsion. Schizophrénie-truc littéraire ? "Il y avait deux hommes en lui" dit DE ad nauseam. N'y en aurait-il que deux ? N'est-ce pas le propre de chaque personnalité d'être multiple en fonction non de soi mais du monde qui la convoque ? Et faudrait-il se réjouir que l'évitement de cette particularité humaine passe souvent par le fanatisme ?

Je serais injuste en ne disant pas que j'ai lu ce livre avec intérêt, jusqu'à la dernière page. En dépit de certaines considérations psychologiques un peu longues, son style est plutôt vif, direct. Il est bien vrai que la fascination doublée de haine qu'éprouve le monde arabe pour l'Occident et Israel est un pivot actuel des relations internationales. Ce livre, incomplet, mais digne de considération, donne un éclairage partiel à ce débat.

Albin Michel (2011) - 455 pages