assouline lutetia

 

L'hôtel Lutetia a été un des lieux focaux de quelques drames du siècle passé. L'auteur, avec une expression juste et pondérée, nous propose d'en partager trois, essentiels, autour de la dernière guerre. Son talent en fera un passionnant roman.

L'affaire nous est contée par le "détective" de l'hôtel, au courant de tous les secrets du fait de sa fonction. Un homme solitaire, détaché, loin de toute position partisane.

 

Le Lutetia était, avant-guerre, un lieu parisien privilégié que des notables aimaient fréquenter. Certains pour être vus, d'autres pour se cacher... Artistes, industriels, hommes politiques et aussi, comme dans tous les grands hôtels, un demi-monde haut en couleur. PA montre très bien la fermentation intellectuelle collaborationniste qui pourrissait l'atmosphère de l'époque et a conduit, face aux nazis, au déchirement de la France.

L'hôtel devient ensuite, après la défaite, le QG des services de renseignements de l'armée allemande, l'Abwehr, qui aura lui-même ses propres conflits à l'intérieur de la machine teutonne.

Mais c'est surtout la 3e partie qui impressionne le lecteur. L'hôtel devient un centre de réception des déportés de retour en France. Avec objectivité et une certaine distance, PA nous fait partager le choc qu'est leur réinsertion et la souffrance qui en résulte, si difficile à partager ou même à faire comprendre. En effet, la situation qui a été la leur fut tellement inhumaine, inacceptable, que leur récit entraîne doute et incompréhension, les laissant souvent livrés à un refoulement délétère.

A cela s'ajoute mille scènes créées par ces circonstances sans précédent, parfois touchantes, parfois déchirantes et que PA relate avec discrétion en fuyant le sensationnel. Des retrouvailles que l'on n'espérait plus, des déceptions dévastatrices, des portes qui se ferment, des larmes qui coulent ou s'assèchent.

Trois tableaux, donc, tous exceptionnels, unis par ce lieu, lui-même exceptionnel. Avec le grand talent de PA cela donne une tranche d'histoire remarquablement contée et dont le souvenir ne doit pas se perdre. Un très beau livre.

 

Gallimard (2005) - 441 pages