giroud journal parisienne

 

Un journal des événements de 1993, année féconde en politique française, éblouissant d'intelligence sereine, de sensibilité sans passion. Mais en transposant à peine, on pourrait se croire en 2013 : discours politique nourri d'illusions, impuissance et lâcheté. Et la vie continue...

 

Ce qui frappe, en effet, est la similitude des situations politiques à 20 ans d'intervalle. Là la Bosnie, ici la Syrie, ici et là chômage incoercible, football pourri, négociations de "paix" (sic) en Palestine, trou de la Sécurité Sociale, commissions prétextes, inquiétudes sur l'avenir de la Russie, budget en déséquilibre grave, économie en déconfiture, corruption, menaces des extrêmes, situation des femmes, pessimisme ambiant, etc. Rien n'a bougé, rien ne bouge, sauf peut-être le dégonflage de la chimère européenne. N'est-ce pas cela qu'on appelle la mort ? Et sur ce cadavre encore chaud se gavent les parasites qui profitent de cette faiblesse pour assouvir leurs intérêts, ici comme là.

Mais l'humanisme de FG voit au-delà de cela. Aidée dans sa vision du monde par sa grande culture, son exceptionnel réseau de personnalités hors du commun, sa proximité des pouvoirs, FG ne cède pas au désespoir, sans pour autant fabriquer de l'illusion. Bien qu'ancienne ministre, peut-être FG était-elle trop lucide et trop droite pour triompher dans l'arène politique. Tant mieux pour nous, car elle fut, outre une romancière et biographe remarquable, ce magnifique témoin de ce temps immobile, ce que sinon, elle n'aurait pas été.

Ce journal nous rappelle aussi sans cesse que nous avons une vie propre, des amis, des ennemis, des bonheurs fugitifs et des soucis qui le sont moins et que nous sommes en grande partie responsables de notre destin. Et que si nous n'accueillons pas nos amis, n'allons pas écouter une musique qui nous plaît, n'aidons pas ceux qui nous le demandent, c'est à nous seuls que nous devons en faire le reproche. Une éthique stoïcienne ?

Ce livre donne un immense plaisir de lecture, car outre son contenu, sa forme, simple et coulante est un régal.

N.B. Le fait que ce livre ne soit pas réédité en poche est pour moi un symbole de notre culture en déshérence. Ce qui est peut-être plus grave que tout, mais se voit peu, noyé comme nous le sommes dans le tapage commercial. Un Seuil usé ?

 

Points P163 (1994) - 397 pages