N
ina Berberova rapporte avec une grande précision le procès qui a opposé en 1949 Kravtchenko, plaignant et la revue les "Lettres Françaises" qui, dévouée au communisme ambiant, l'avait gravement diffamé pour son livre "J'ai choisi la liberté".
Le travail qu'a fait NB en tenant le journal quotidien des débats, jusqu'au terme du procès et de l'appel qui a suivi est impressionnant. Déclarations des avocats et des témoins, remarques et questions de la Cour, erreurs de traductions, empoignades des avocats, etc. Tout cela pourrait paraître terne, mais NB en fait un récit palpitant et que l'on suit sans faiblir.
De plus, NB refuse de prendre une position sur le fond et n'en fait pas le sujet du livre. Le sujet est la diffamation dont Kravtchenko est victime de la part des "Lettres Françaises" pour tenter de détruire le livre et l'homme. NB, sur le fond, savait à quoi s'en tenir, elle qui avait très vite fui dans les années 20 le monstre en train de naître. On sait aujourd'hui que Kravtchenko décrivait avec justesse la situation de son pays.
Le procès reconnaîtra la diffamation de Kravtchenko, ce qui est à l'honneur de la justice à une époque où ce qui tenait lieu d'intelligentsia à la France était tombé dans l'adoration religieuse du communisme et de l'Union Soviétique.
On ne peut que rester atterré par ce qu'une croyance, dont je ne discute d'ailleurs pas la sincérité, autorise un homme sain d'esprit et a priori honnête, à faire et à dire au mépris de tout, pour affirmer sa foi et la faire triompher. Ruses, mauvaise foi, mensonges, affirmations sans preuve, faux témoins, absolument tout est permis, puisque c'est pour une cause que l'on croit juste. C'est là la force de ce livre, car on peut craindre que ce comportement soit humain de toute éternité, ce qui nous incite à nous méfier encore une fois de tout fanatisme et de tout homme qui fait passer sa croyance avant sa raison et son humanité.
Au fait, aurait-on aujourd'hui une justice capable de cette impartialité ?