Ce livre est un thriller géopolitique passionnant, mené sans faiblesse, qui, même s'il s'agit d'une fiction, nous ouvre des fenêtres sur le pouvoir chinois, son organisation, ses luttes internes.
L'intrigue va se dérouler pratiquement en un seul lieu, fermé, menacé, dont les seules ouvertures sont les contacts électroniques vers l'extérieur, sous surveillance. Lieu hostile ? Non, je pense plutôt qu'il est neutre, infiniment, pour ne gêner en rien les jeux subtils qu'il va abriter. Il s'agit du consulat américain de Chengdu, où un haut dignitaire chinois vient demander l'asile politique.
Cet homme puissant apporte un cortège de révélations géopolitiques, appuyées sur une masse de documents numérisés. Pourquoi le fait-il ? C'est peut-être le point le moins abouti du roman. Il le fait, dit-il, pour sauver la chine éternelle dans un conflit interne qui l'oppose à une organisation mafieuse criminelle, avide de pouvoir. Soit. Les Américains acceptent provisoirement l'argument et les révélations vont se succéder pour notre plus grand intérêt, et aussi, apparemment, pour le leur. Mais, que faisaient donc les services de renseignement américains pour avoir ignoré tout cela ?
Quand cet homme, après avoir livré ses trésors, demande un refuge politique aux USA, ceux-ci, bien embarrassés, vont finalement le lui refuser lâchement, pour "éviter les remous". Il négociera avec les Chinois les conditions de son retour et rentrera finalement au bercail. Sauf que tout cela n'est pas exactement conforme à la réalité. Une seconde histoire, entrelacée, viendra au clair à la fin du roman, dont on doit là, souligner la virtuosité.
C'est d'abord un exposé inoubliable de la Chine qui nous est offert ici. Contemporaine ? Certes, mais éternelle dans ses querelles de Palais, ses meurtres. On comprend mieux, après lecture, les procédures incroyablement complexes de choix des dirigeants pour circonvenir les velléités des uns et des autres. Ces procédures doivent aboutir à un consensus viable entre des forces politiques puissantes en présence. Leur nature n'a rien à voir avec le jeu démocratique (heureusement, peut-être !), mais avec une lutte entre groupes claniques dont l'histoire éternelle, largement évoquée dans le livre se renouvelle sans cesse.
C'est aussi un vrai roman qui nous fait partager l'échange à rebondissements entre la consule américaine et le déserteur" chinois. Tout les sépare et pourtant une complicité respectueuse va s'établir entre eux. Le personnage de la consule est remarquable et certains passages sont riches d'une véritable émotion humaine. Cette femme représente tout ce que l'imaginaire a construit autour de l'idéal américain. On constatera que cet idéal a largement déserté les autres protagonistes.
Ce livre dense qui, à la fois, nous instruit et nous met sous tension sait aussi nous émouvoir. C'est une grande réussite.