bouguerra forfaiture corbeau

 

Ce roman, généreux et optimiste, appelle de ses voeux une réconciliation des peuples algériens et français, au delà de l'histoire tourmentée récente. Nous le souhaitons tous, mais les conditions nécessaires sont-elles là ?

L'intrigue porte sur le destin (les destins, plutôt !) des Harkis. Ceux-ci ont intégré les rangs de l'armée française en Algérie, espérant y trouver de quoi vivre, là où la misère endémique sévissait. Peut-être aussi désapprouvaient-ils la violence et les exactions du FLN ? Le roman le laisse entendre, parfois.

 

Ce qu'ils ignoraient, en revanche, c'est que le FLN gagnerait la partie et ne leur pardonnerait pas leur "trahison". Cinquante ans plus tard, des tensions existent encore en Algérie. On peut penser que seule leur mort libérera leurs enfants de cette "tache".

Ce qu'ils n'anticipaient pas non plus, c'est ce qu'allait être leur sort au départ de l'armée française. Fallait-il abandonner la patrie algérienne ? Rester ? Ceux qui le voulurent et le purent choisirent de partir, conscients des purges à venir. Le roman raconte une intégration réussie, celle de Slimane qui en éprouva, à juste titre, bonheur et fierté et essaiera de faire partager à ses frères son rêve de réconciliation, avec un certain succès.

Mais tous ne pouvaient pas avoir le caractère ni la volonté de Slimane. Et ceux-là eurent à souffrir, qui ne pouvaient que peu ou pas, se prendre en main. L'échec global de l'insertion fut patent, dont la France porte encore aujourd'hui les stigmates. Car accueillir est bien, mais ce n'est qu'une part du chantier ; ces hommes étaient terriblement vulnérables. Que l'Algérie ait peu contribué à une solution est une litote. Cela ne la grandit pas non plus.

Quant à l'espoir exprimé par l'auteur de construire une intégration française des Harkis par le biais d'une double culture, je crains que ce soit un leurre. La France a une longue tradition égalitaire, voire égalitariste, centralisée, laïque et si l'on n'y adhère pas, une intégration reste un vernis fragile, comme l'Histoire nous l'apprend. Nous n'avons pas, comme les Anglo-saxons le culte de la liberté individuelle, qui permet, dans une certaine mesure, une société multiculturelle. Peut-être une chance existerait elle, si cette seconde culture était d'une extrême discrétion, ce qui n'est pas le cas pour l'instant de l'Islam en France qui confond culture et religion, à son profit. Sans parler de l'extrémisme religieux qui n'en redore pas le blason ! Je crains l'impasse...

Un très beau livre néanmoins, qui, justement, fait réfléchir et nous aide à redécouvrir et peut-être à aimer cette Algérie, si proche et si lointaine.

Addendum (mars 2013) L'auteur vient de se voir attribuer le prix du roman régional, par le Lions-Club du district Côte d'Azur - Corse

Bénévent (2012) - 197 pages