Ce livre part d'une citation et d'un constat." La politique c'est le goût de l'avenir" disait Max Weber. Le constat c'est que nous avons un peu perdu ce goût en donnant au présent et pour le fonder, au passé, un poids excessif. Nous vivons l'instant, aussi bien que possible, sans vouloir perdre une miette de notre fugitif intérêt immédiat au bénéfice de constructions politiques futures et plus incertaines. Non d'ailleurs parfois sans une grande mauvaise foi, comme en témoignent les actuels débats de société sur retraite, assurance maladie etc. La défense des droits acquis, au mépris de toute autre considération, est-ce autre chose ? Le corporatisme des enseignants ou des fonctionnaires, est-ce bien différent ? Et la montée de pensées comme le bouddhisme, fixées sur l'instant, ne couvrent-elles pas la même désillusion du lendemain qui ne chante pas vraiment ?
Partager, la main sur le coeur, donner même ce que nous n'avons pas encore au risque de mettre le paiement de la facture sur le dos des générations à venir, la France en sort. Mais n'y avait-il pas quelque raison à agir ainsi après un XXème siècle où les visions politiques du futur des fascismes et des communismes ont eu l'échec que l'on connaît. Balance de l'histoire, sans doute.
Le livre aborde donc cette question bien d'actualité en épinglant d'abord les signes visibles de cette orientation actuelle. Citons par exemple le "retour du mal" qui occupe une place croissante, et dont l'alternative n'est peut-être pas le "bien", mais le sens. En sommes-nous réduits à "minimiser le mal, et non plus à réaliser un bien" ? Citons aussi cette idée que la faiblesse de nos convictions (ce qui modèle notre action pour préparer l'avenir) nous fait nous réfugier dans des positions moralisatrices toutes faites et intolérantes. Insidieuse aussi est cette idée que notre action est dictée par la raison et que, par voie de conséquence, ceux qui s'y opposent sont fous et donc perdent en pratique la dignité humaine. Irak, pas loin...
Alors, relevons les manches. Six axes de travail sont proposés, de recherche d'un nouvel équilibre.
- nous sommes dévots de la transgression ; ne négligeons pas aussi et en même temps de redéfinir la limite.
- individu libre, responsable, unique, oui ; mais dans quelles institutions et avec quel pacte d'alliance entre ces hommes ?
- transparence, dévoilement, existence par le regard des autres, certes ; mais sans oublier de faire aussi une place à l'intériorité, condition de la liberté.
- l'homme moderne est déculpabilisé d'à peu près tout ; le mal est extérieur. Attention à l'innocence cruelle et exterminatrice et aux idéologies "victimaires" !
- nous avons la hantise du corps parfait... et irréel. Cela n'est-il pas porteur de schizophrénie ?
- la démocratie est fondée sur l'absence de toute autre foi que celle en la loi des hommes. L'auteur estime cela trop court. Le chapitre, à mes yeux le moins convaincant du livre, pour moi qui approuve (une fois n'est pas coutume) l'opinion de F. Nietzsche que "Là où vous voyez de l'idéal, je ne vois que des choses humaines, des choses, hélas, trop humaines".
L'auteur propose alors de repenser le religieux, ne proposant pas autre chose que ce que disait déjà Averroès dans "Le discours décisif" au XII ème siècle. Soit, mais je ne vois pas le début d'une utilité à remuer un marécage empli de tant de haines et d'incompréhensions structurelles entre les hommes qui n'ont jamais su partager des convictions religieuses que pour en faire des armes d'exclusion.
Plus constructif et très beau est en revanche le dernier chapitre sur l'espérance. Car il est vrai que les désillusions du XX ème siècles ont fait reculer l'espoir que nous puissions construire un monde meilleur de nos mains. Deviendrions-nous, à la fin de l'histoire, ce citoyen européen dépossédé de cette espérance ? Un consommateur, jouisseur passif, spectateur, objet de l'inévitable ? Hélas, pour partie, oui. Et c'est bien cela qu'il convient de reprendre en main, sinon le reste du monde nous le fera sentir. Qui peut dire le contraire ? Le livre récent de N. Baverez "La France qui tombe" nous y invite de façon plus concrète. Et surtout, il faut relire "L'effacement de l'avenir"de P.-A. Taguieff, autrement solide et construit.
Un livre intéressant par les idées qu'il aborde. Il est cependant trop long, bavard et un peu confus. Un effort de concentration sur ce qui est important aurait vivifié un raisonnement qui reste sinueux. Le même en 150 pages ?
Partager, la main sur le coeur, donner même ce que nous n'avons pas encore au risque de mettre le paiement de la facture sur le dos des générations à venir, la France en sort. Mais n'y avait-il pas quelque raison à agir ainsi après un XXème siècle où les visions politiques du futur des fascismes et des communismes ont eu l'échec que l'on connaît. Balance de l'histoire, sans doute.
Le livre aborde donc cette question bien d'actualité en épinglant d'abord les signes visibles de cette orientation actuelle. Citons par exemple le "retour du mal" qui occupe une place croissante, et dont l'alternative n'est peut-être pas le "bien", mais le sens. En sommes-nous réduits à "minimiser le mal, et non plus à réaliser un bien" ? Citons aussi cette idée que la faiblesse de nos convictions (ce qui modèle notre action pour préparer l'avenir) nous fait nous réfugier dans des positions moralisatrices toutes faites et intolérantes. Insidieuse aussi est cette idée que notre action est dictée par la raison et que, par voie de conséquence, ceux qui s'y opposent sont fous et donc perdent en pratique la dignité humaine. Irak, pas loin...
Alors, relevons les manches. Six axes de travail sont proposés, de recherche d'un nouvel équilibre.
- nous sommes dévots de la transgression ; ne négligeons pas aussi et en même temps de redéfinir la limite.
- individu libre, responsable, unique, oui ; mais dans quelles institutions et avec quel pacte d'alliance entre ces hommes ?
- transparence, dévoilement, existence par le regard des autres, certes ; mais sans oublier de faire aussi une place à l'intériorité, condition de la liberté.
- l'homme moderne est déculpabilisé d'à peu près tout ; le mal est extérieur. Attention à l'innocence cruelle et exterminatrice et aux idéologies "victimaires" !
- nous avons la hantise du corps parfait... et irréel. Cela n'est-il pas porteur de schizophrénie ?
- la démocratie est fondée sur l'absence de toute autre foi que celle en la loi des hommes. L'auteur estime cela trop court. Le chapitre, à mes yeux le moins convaincant du livre, pour moi qui approuve (une fois n'est pas coutume) l'opinion de F. Nietzsche que "Là où vous voyez de l'idéal, je ne vois que des choses humaines, des choses, hélas, trop humaines".
L'auteur propose alors de repenser le religieux, ne proposant pas autre chose que ce que disait déjà Averroès dans "Le discours décisif" au XII ème siècle. Soit, mais je ne vois pas le début d'une utilité à remuer un marécage empli de tant de haines et d'incompréhensions structurelles entre les hommes qui n'ont jamais su partager des convictions religieuses que pour en faire des armes d'exclusion.
Plus constructif et très beau est en revanche le dernier chapitre sur l'espérance. Car il est vrai que les désillusions du XX ème siècles ont fait reculer l'espoir que nous puissions construire un monde meilleur de nos mains. Deviendrions-nous, à la fin de l'histoire, ce citoyen européen dépossédé de cette espérance ? Un consommateur, jouisseur passif, spectateur, objet de l'inévitable ? Hélas, pour partie, oui. Et c'est bien cela qu'il convient de reprendre en main, sinon le reste du monde nous le fera sentir. Qui peut dire le contraire ? Le livre récent de N. Baverez "La France qui tombe" nous y invite de façon plus concrète. Et surtout, il faut relire "L'effacement de l'avenir"de P.-A. Taguieff, autrement solide et construit.
Un livre intéressant par les idées qu'il aborde. Il est cependant trop long, bavard et un peu confus. Un effort de concentration sur ce qui est important aurait vivifié un raisonnement qui reste sinueux. Le même en 150 pages ?
Editions Seuil (355 pages)