lewinsky village histoires

 

Ce roman est le long monologue d'un homme au purgatoire. Mais l'image que l'on peut se construire du paradis ou de l'enfer auquel il pourrait conduire a tendance à se ressembler. Gris, gris, gris...

Un professeur sans grand caractère, blessé par une affaire de moeurs plutôt anodine, mais mal analysée par ses pairs, se réfugie dans un paisible village pour y purger l'attente d'une rédemption espérée. Il y découvrira que, comme au cours de sa liaison amoureuse détruite, seul préside le reflet perçu par les autres de la réalité, leur interprétation, et que c'est cela qui ils appellent la vérité.

 

Il comprendra que les hommes ont avant tout l'espoir de mener leur vie comme ils la souhaitent et non comme elle est. Cette représentation qu'ils se font du monde et qu'ils véhiculent est leur cuirasse et leur confort. Leur désir de vérité est proche de zéro, cette vérité qui pouvait les faire trébucher. C'est, je crois, le grand thème de ce roman.

Cette volonté de représentation du monde conduit chacun à prendre une pose, parfois idéaliste, souvent étayée par l'intérêt personnel. Souvent la communauté partage ces visions fausses, mais salutaires : Valérie doit être traitée et internée, Jojo est un incendiaire, Le Général est un héros, etc. Alors, ces visions deviennent des réalités et le monde peut continuer à tourner. Les religions font, elles autre chose ? Et puis, voyons, vous savez bien que la réalité n'est que ce qu'on en observe et qu'on en comprend.

Notre professeur, qui ne brille jamais par sa capacité de décision ou son courage, s'adapte sans grande peine à l'idée que ce masque social, ces conventions partagées, un peu de lâcheté et une prise solide sur les faits simples de la vie quotidienne sont un élan de survie. Aider les autres sans trop se demander pourquoi, faire son jardin, boire un verre, épouser la veuve vaut mieux que la quête du Graal. C'est un peu la morale désabusée de Candide.

Cette aventure initiatique se déroule dans ce village, morne et gris, où les gens sont quelconques, voire laids, le temps maussade, le paysage presque sans intérêt, les maisons tristes et le ciel bas. Mais rien ne permet de penser que ce purgatoire a une issue, ni surtout qu'elle soit plus avenante...

L'écriture est plutôt belle, pleine de richesses inattendues, d'images qui touchent. Le rythme croit jusqu'à la chute finale, à laquelle succède un retour à la paix inquiète des premières lignes. Tout a changé, mais tout est semblable. Une belle leçon de pessimisme humain et de désillusion.

Grasset (2007) - 383 pages