cronin ricci

 

Ce livre me paraît admirable d'une double manière : une approche, par des faits concrets, de la substance de la civilisation chinoise, sans intellectualisation et une leçon d'apprentissage, donnée par Matteo Ricci, par le respect et l'immersion, d'une culture profondément étrangère.

Il s'agit de l'histoire de la mission effectuée au 17e siècle par un jésuite, Matteo Ricci, pour tenter, pour la première fois, d'implanter le chritiannisme en Chine. Une illustration de la difficulté de l'entreprise est, par exemple, l'ignorance nourrie de fantasmes de la situation géographique de ce pays, de sa langue, de sa culture. On pensait même qu'il pouvait exister deux Chines (l'une appelée Cathay) dont l'une serait un ancien royaume chrétien. Pour ne rien dire de l'hostilité des chinois aux barbares étrangers.

 

L'auteur nous montre un Matteo Ricci profondément original dans son approche prudente et ouverte de cette Chine, jusque là totalement fermée. Loin de s'appuyer sur sa vérité (il est jésuite et vient pour convertir les chinois), il cherche longuement à comprendre la représentation du monde de ses interlocuteurs, leurs valeurs, la logique de leurs actes, sans juger. Il comprendra peu à peu que la meilleure stratégie est de chercher tout ce qui peut rapprocher les deux civilisations, jusque dans leur doctrines spirituelles. Il présentera alors le christiannisme comme une prolongation et un approfondissement du confucianisme, réservant pour une étape ultérieure la mise au clair de ce qui divise.

L'auteur essaye de nous faire également partager ce que pouvait être la Chine du 17e siècle, ses actes quotidiens, ses bruits, ses parfums, ses villes, ses luttes de pouvoir, etc., de la manière la plus concrète qui soit. Nous y sommes, un peu comme dans un jeu vidéo qui nous fait partager la vie d'un univers étrange. Et nous comprenons ainsi les limites de l'action de Matteo Ricci, autant que les menaces qui l'entourent de manquer sa mission ou même d'y perdre la vie. VC accumule les faits qu'il a recueillis sur Matteo Ricci et en montre les conséquences dans ce contexte. On ressent, bien entendu, son approbation des méthodes de Matteo Ricci, mais il ne le dit jamais. Et quand d'autres après lui feront autrement, il le décrira aussi, brièvement et en montrera aussi les conséquences.

C'est donc un livre d'histoire romancée, certes, mais aussi objectif que possible, qui nous est donné là. Même si le temps a apporté bien des changements à cette civilisation, il me semble que beaucoup de ce qu'a connu Matteo Ricci est encore sous-jacent dans la Chine actuelle. Ce livre me parait donc, encore aujourd'hui, une remarquable porte d'entrée dans cette civilisation. A lire absolument.

 

Albin Michel (1957) - 375 pages