Ce court roman ressemble à une variation sur le thème du film de Louis Malle, "le feu follet". Une aristocratie bobo, d'une culture sans sagesse, souffrante et hantée par la peur de vieillir et de manquer, vibrionne avec un panache funeste.
Convenons d'abord que JPE écrit bien et que sa documentation paraît solide. Le roman se lit d'un trait et soutient un intérêt sans cesse renouvelé. Les portraits, faits de collages ou inspirés de personnages réels (BHL, Arielle Dombasle, Carla, etc.) sont indiscrets à souhait, mais toujours pondérés, vivants et sans méchanceté. J'admire JPE d'avoir une telle empathie pour des gens aussi divers et contrastés et de s'abstenir de tout jugement sur la manière dont ils conduisent leurs existences. Il faut beaucoup de distance.
En revanche, et j'entre là dans mon "subjectif", que m'importent vraiment ces vies ? Rien ou presque, si tant est qu'il s'agisse de vies, là où c'est plutôt l'écume qui nous en est proposée.
Presque tous ont du charme et en font le commerce. Cela a un nom (je pense à courtisan, bien entendu ! ) et mérite rarement de passer à la postérité sauf à exercer des talents exceptionnels, ce qui à mes yeux n'est pas le cas ici. J'aurai quand même une pensée pour Lavinia, personnage intelligent, d'une lucidité froide, menant sa vie comme une entreprise. Mérite aussi notre révérence le roi magnanime de cette cour, luciole magnifique et bondissante, obsédé par son look, la perception de sa présence sur la scène du monde et terrorisé à l'idée d'être, un jour, oublié. On sent, d'ailleurs, un certain agacement du narrateur (de l'auteur ?), qui ne va quand même pas jusqu'à cracher dans la soupe. On est si bien à la Zahia !
Mais sous leur aspect clinquant, ces personnages au fond, ne vivent pas. Il leur manque une dimension, celle d'éprouver des sentiments simples, voire même éventuellement de devenir tragiques. Ils ne s'ancrent pas dans quelque chose qui les dépasse et qui signerait un roman fort. Ils ressemblent à des jouets. Leurs regrets restent petits, leurs souffrances médiocres et leurs illusions puériles, dignes d'être déçues. Cela rappelle le personnage Alain du "feu follet" qui se suicide aimablement et dans l'indifférence. Des êtres souvent sans caractère et sans sagesse, des jouisseurs stériles et sans beaucoup d'allure.
Cette comédie ne me convainc pas, dont les personnages habiles en paroles et en caresses croient que faire des phrases vaut pensée et voguent au gré de leurs caprices et de leurs jeux sans passion dans un bateau doré. Sagan pas loin !