balibar brezin demain physique

 

La physique, cette représentation universelle du monde, qui nous a donné un tel pouvoir sur lui, est loin, très loin, de son aboutissement. Ce livre fascine, non seulement par le rappel de l'acquis, mais surtout par les voies encore en cours d'exploration. Encore faut-il, pour le lire, une vraie curiosité et un certain bagage scientifique.

Une précision, d'abord. Le mot "science", "scientifique" que je viens d'employer, n'a à peu près plus aucun sens. Comme tous les termes qui ont eu leur heure de gloire par ce qu'ils ont permis d'accomplir, il a été récupéré par des savoirs où des modes de pensée qui en refusent les exigences, mais veulent se parer de son prestige. Le socialisme inhumain des marxistes était "scientifique", il existe des "sciences sociales", l'écoidéologie se prétend "scientifique", l'apocalypse climatique annoncée l'est par des "scientifiques", etc. J'éviterai donc ce terme dont la descente aux enfers de l'approximatif et de l'idéologie me navre, mais hélas s'impose dans notre langage et surtout dans notre pensée courante. Méfions-nous des "scientifiques" dont on parle, ici et là, car, sous l'habit de lumière qu'ils ont dérobé, se cache parfois un vieux sorcier ignorant, un alchimiste, un prêtre, un médicastre douteux ou autres charlatans, qui exploitent nos espoirs et nos peurs.

 

La discipline dont on parle ici, la physique, est la capacité qu'a l'homme, quel qu'il soit, à se fabriquer une représentation du monde, partielle, incomplète, en évolution permanente, mais qui lui permet, à travers le langage mathématique, d'être universelle et prédictive, jusqu'à ce qu'une autre représentation, plus précise, la complète. Une théorie physique aboutie (un ensemble de formules représentant des phénomènes observables et non contredit par l'expérience du moment) ne devient jamais fausse ; une nouvelle théorie la complète et la précise. La relativité complète la gravitation de Newton ; elle ne l'infirme pas, au contraire même ! C'est l'expérience qui est le juge suprême de la pertinence des théories, car elle permet de vérifier (ou non) les prévisions issues de ces théories. Là où il n'y a pas de prévision spécifique et précise et d'expérience discriminante pour la vérifier, il n'y a pas science, mais savoir plus ou moins précis, plus ou moins local, croyance, conviction, mais jamais rien d'universel, ni d'assez solide pour fonder la suite.

C'est de cette physique dont ce livre parle. Chaque chapitre est écrit par un spécialiste du domaine en question, dont il fait à la fois l'histoire et un descriptif des résultats obtenus, tant au plan des progrès conceptuels que des applications concrètes. Notons, au passage, que, bien souvent, nous ne sommes pas conscients que, sans ce progrès de la physique, nous ne disposerions pas de ces applications d'usage quotidien : sans mécanique quantique, pas d'imagerie médicale ou d'iPhone, parmi des milliers d'exemples. Presque tous les domaines du savoir sont aujourd'hui clients inévitables de cette physique, elle-même inspirateur des mathématiques.

Mais surtout, il essaye de nous faire percevoir les pistes où la physique, pour aller plus loin, pourrait s'engager, par discipline, ou par groupe de disciplines. Car, sans ce progrès, les autres domaines (la connaissance de la vie en particulier) ne seraient pas arrivés là où ils sont aujourd'hui. Et sans progrès de la physique, ils seraient condamnés à stagner : en biologie, en science de la terre, en astronomie, en informatique, certes, mais aussi pour des applications plus 'triviales', comme les adhésifs, par exemple.

C'est donc autant cette meilleure compréhension du monde que la recherche d'applications utiles qui sont en filigrane dans cette quête "physique", que ce livre veut explorer et nous faire explorer avec lui. Un superbe travail.

 

Odile Jacob (2009) - 353 pages