Ce que dit ce livre sur la perception qu'ont les hommes de leur responsabilité est souvent juste et grave. Mais il le dit dans un tel désordre et sur un tel ton uniforme d'indignation exaspérée, que son impact en est sévèrement altéré.
Tout tourne autour de la conviction que s'est forgée l'auteur que son grand-père, le "Nain Jaune", directeur de cabinet de Laval lors de la rafle du Vélodrome d'Hiver, était conscient du sort qui attendait les victimes et ne peut qu'avoir donné son consentement au déclenchement de cette rafle.
Et, événement aussi grave pour lui, sa famille et ses amis, non seulement ne voient jamais le "Nain Jaune" comme une coupable antisémite, mais vont même, en toute bonne conscience, considérer son rôle comme d'administration des affaires courantes dont il n'y a pas grand-chose à redire !
Cette terrible solitude qu'éprouve alors AJ lorsqu'il condamne son grand-père, le conduit à un profond déchirement : pourquoi suis-je ainsi et tous les autres différents lorsqu'ils considèrent des actes aussi inacceptables ?
C'est le coeur et la matière de cet essai que cette interrogation exaspérée, qui restera sans réponse et laissera l'auteur se fracasser à des évidences qui il est seul à voir, mais auxquelles il ne peut pas donner les attributs d'une vérité incontestable pour tous, alors qu'elle l'est pour lui.
Quant au style, il a quelque chose de l'agitation d'une mouche dans un verre muni d'un couvercle. Il n'aide pas le lecteur à suivre la conviction de l'auteur ni à partager avec lui les faits qui ont permis à cette conviction d'émerger.
Reste aussi l'éternelle interrogation : est-il sage qu'un petit-fils, 60 ans après des faits, certes inexcusables, mette une telle véhémence, une telle passion dans sa dénonciation ? Une affaire qui nous concerne tous se réduit alors à un règlement de comptes personnels. Dommage.