grange passager
 
 
Vous savez sans doute que les relations père-fils sont une valeur sûre de la psychologie. Ce polard agité s'installe sur ce constat pour en tirer un récit superbement construit, totalement irréaliste, mais que l'on a envie de lire jusqu'à la dernière ligne et où aucun espace de repos n'a été prévu.  Et, même si cela a avec la littérature la même densité de relation que moi avec un archevêque, ce n'est pas désagréable à consommer. Accrochez-vous, c'est parti.
 
Aux relations père-fils, il n'est pas mauvais d'ajouter celles qu'une fille, garçon manqué (mais ça s'arrangera...) a avec son cher papa à la cervelle nazillonnée. Avec une couche de mythes grecs polardisés, c'est du lourd. Mais au passage, hélàs, revient la rengaine bobo qui veut que tous les chefs d'industrie soient par essence des salauds. Il ne dit pas, mais pense sans doute : "j'aime pas la finance !" C'est un peu pute, mais ça plaît tellement au bon peuple de "gôche" ! Et ça fait vendre. L'art de cracher dans la soupe vient de recruter un nouvel adepte en la personne de M. Grangié.
 
Alors puisqu'il plonge au fond des cerveaux, ce récit convoque les pros : les psychiatres qui, comme chacun devrait savoir, sont fous, inventant des trucs inavouables pour faire souffrir le pauvre monde et devenir les maîtres d'icelui. Rengaine connue là aussi ? C'est vrai que le sujet a irrigué littérature et cinéma et ne s'épuisera sans doute jamais. Pourquoi ne pas en rajouter une couche ? Mais le capitaine Nemo, me semble-t-il, avait plus d'allure.
 
Et pourquoi ne pas en profiter pour enfoncer par la même occasion une porte ouverte : la science c'est le mal. Ca excite le réac écolo politique ignare et ingrat qui voudrait que tout s'arrête et qu'on pende haut et court Einstein et compagnie, sous réserve qu'on ne le prive pas de son iPhone. Mais ça plaît beaucoup et ça fait vendre...
 
Vous penserez peut-être que je déchiquette ce récit par des jets ciblés de ma bave crapaudine (ici : issue d'un crapaud) ? Que nenni ! Car si sa structure et ses à prioris, plutôt irritants, me semblent nager dans le banal et les idées racoleuses qui plaisent, sa réalisation est un chef d'oeuvre d'imagination et d'écriture. La mise en abyme ( matriochka !) des situations nous laisse sans répit. Et même si dès le début on se doute que le Prince charmant saura réveiller la Princesse endormie, la forêt d'événements qu'il va traverser n'est pas un chemin de rose. Attachez vos ceintures, le manège s'ébranle !
 
Le livre de poche 32981 (2011) - 977 pages (n'ayez pas peur...)