serres qin

 

L'empire Qin, fondé en -221, fut la première unification politique des royaumes chinois. Elle s'est faite par la force, avec une violence inévitable, dont les manifestations individuelles et collectives nous fascinent encore aujourd'hui. C'est cette épopée que ce livre, mi-bande dessinée, mi-livre d'histoire, nous convie à vivre.

L'importance de cette fondation est considérable, puisque, plus de 200 ans plus tard, cet empire existe encore et semble en passe de jouer un rôle considérable dans le monde actuel, quand l'Occident, un peu désorienté, passe le 21e s. en chancelant. Nos âmes sensibles, mais cruelles (y a-t-il histoire plus cruelle que celle de l'Europe du 20e s. ?), y trouveront à la fois matière à s'indigner sur les horreurs dont notre espèce est capable, mais aussi, si elles sont lucides, un écho de leurs propres turpitudes.

Là n'est pas l'essentiel. Ce qui reste, c'est qu'en 20 ans, à peu près, la Chine unifiait son écriture, son calcul, ses poids et mesures, ses lois, construisait ses premières grandes routes, des palais fastueux, des défenses et des outils militaires impressionnants. On notera au passage la définition des distances liées aux longueurs d'onde de certains sons, par exemple.

On a, bien entendu, du mal à se représenter la structure de la pensée chinoise de l'époque, baignée de confucianisme et de taoïsme, l'un et l'autre en recherche de pragmatisme efficient. Ici et maintenant. Loin de notre idéalisme consubstantiel ! L'époque était aussi celle de la pensée légiste, ancêtre des totalitarismes. Les hommes acquis à cette philosophie étaient alors que pouvoir. L'autodafé de-213 fut un rappel brutal du politiquement correct de l'époque.

Le choix d'une bande destinée pour nous raconter tout cela est excellent, d'autant que le dessin s'appuie sur un vrai travail de recherche. Cela donne l'occasion à nos sens de mettre une forme matérielle concrète à un récit historique. Les compléments d'information, ajoutés à la fin du livre, sont un parfait "bonus" pour ceux qui souhaitent aller un peu plus à fond.

Une superbe réussite.

J'ajouterai, pour ceux que la culture chinoise intéresse, ou même parfois, inquiète, le livre de Anne Cheng, "Histoire de la pensée chinoise".

 

Philippe Picquier (2006) - 124 pages