taleb cygne noir

 

Ce livre nous rappelle, à juste titre, combien notre vie est jalonnée par des événements imprévus, improbables, mais dont l'impact est considérable. La rencontre avec notre conjoint, par exemple... On s'en doutait un peu, non ? Mais il le fait avec tant de désordre, tant de répétition, avec un tel sur-place que l'ennui s'installe vite puisque l'on sait, dès la vingtième page, où il va arriver.

 

Un livre sympathique...

Pourtant, à bien des égards, ce livre m'est sympathique. Je partage avec l'auteur une haine viscérale pour la pensée de Platon qui, par son au-delà idéologique absolu, nous a fait plus de mal que Staline et Hitler réunis qui, l'un et l'autre, sont d'ailleurs ses enfants. Et qui a préparé, en terre européenne, la voie du poison des monothéismes moyen-orientaux.

Je partage avec lui aussi une profonde affection pour Montaigne et pour un stoïcisme sceptique et responsable qui me parait, aujourd'hui encore, la philosophie de l'existence la plus respectable.

...mais mal construit.

Alors, pourquoi avoir étalé en 500 pages indigestes ce qui aurait fait un excellent traité de 100 pages ? Pourquoi avoir, à l'américaine, rapporté une foule d'anecdotes, d'événements minuscules, censés construire la vision qu'il veut bâtir ? C'est presque puéril dans l'approche. Je ne marche pas, pour ma part, comme cela. J'ai besoin qu'une pensée s'affirme mieux que par des exemples qui la valident, mais ne la confirment pas.

Une ignorance de la méthode scientifique et de son mode de pensée.

Et puis, j'ai souvent souffert d'affirmations erronées sur la démarche scientifique, à l'évidence ignorée par l'auteur qui semble se contenter d'une vue par hélicoptère. Non, la science ne recherche pas des "vérités", non les scientifiques ne "rient" pas des travaux de leurs anciens, etc. On est là dans le journalisme de bas étage, le ragot populaire. Et, pour moi, quelqu'un qui a, à l'évidence, mal compris la démarche scientifique, ignore une part si importante de ce qui a façonné notre univers actuel, qu'il se disqualifie du monde de la pensée philosophique pertinente. Il n'est pas le seul, d'ailleurs et je pense, par exemple à Heidegger qui en souffrait et en exprimait un certain dépit dans sa pensée. Notre auteur serait-il aussi conscient (et dépité ?) d'être passé à côté de quelque chose d'essentiel ?

Mieux vaut relire Montaigne !

Je n'aime pas non plus le persiflage du style "vous êtes tous des imbéciles, mais je vais vous expliquer". C'est cela à jet continu.

Alors en dépit de la sympathique mise en garde contres les "platonifiants" (il existe quelque part le modèle juste pour tout résoudre) en costume-cravate, ai-je dû arrêter ma lecture page 128, sous le poids de l'ennui.

Et je vais, de ce pas, relire Montaigne.

Les Belles Lettres (2008) - 500 pages