schneck nuits
 
Ce roman pourrait plaire ou déplaire ! Un amour improbable et bousculé, un étalage de violence, des oppositions "raciales", sont quelques ingrédients de notre mal-vivre collectif, que ce livre exploite. Qu'apporte-t-il en grattant ainsi nos démangeaisons ? Un prix des lecteurs 2021 dit l'autocollant de couverture. Son style reste pourtant expéditif, plutôt oral qu'écrit, un peu relâché. L'intrigue se laisse lire, malgré le saucissonnage agité dont se rend coupable l'auteur, mélangeant à loisir des tranches de son roman en piétinant la chronologie. Pourquoi pas, même si le génie de ce mixage m'échappe. Tout cela me semble fort superficiel, même si on le lit sans ennui.
 
Une réflexion m'est venue pendant cette lecture. Il existe des mots pièges et le racisme en est un. Le livre parle du racisme à l'égard des noirs, comme de celui à l'égard des juifs, comme si le même mot décrivait l'un comme l'autre. Ce n'est pas aussi simple. Un noir est noir, un blanc est blanc et aussi bien un blanc qu'un noir le reconnaîtront comme tel dans la rue. Ce n'est pas du racisme que de constater cette différence et ce serait un mensonge que la nier ou faire semblant de la nier. En revanche, un juif ne se reconnaît pas dans la rue, au grand dam des antisémites qui se sont épuisés à lui inventer des caractéristiques sans fondement. La classe humaine floue résumée par ce mot est non pas physique, mais culturelle et d'ailleurs bien peu homogène. Avec un même mot, on ne décrit pas la même chose et je suis parfois gêné par les parallèles que fait le livre. Seule la haine des différences, physiques ou culturelles, est à mes yeux un racisme condamnable. Sans haine, la constatation de ces différences et la curiosité pour leurs contenus sont saines et enrichissantes. C'est même pour moi une des principales vertus sociales. 
 
L'intrigue repose sur un événement historique autour des émeutes qui ont eu lieu en 1991 à Brooklyn. Mais est-ce servir l'histoire, que s'approprier des faits dramatiques réels qui se trouvent alors réarrangés pour les besoins d'un roman ? Est-ce sage ? Est-ce utile ? La Shoah a donné lieu à ces dérives. Le spectacle est ainsi facile à mettre en scène, plus que ne le serait le recours à la capacité de l'auteur à créer son propre drame, sans doute. 
 
Un roman agréable à lire dont l'intrigue se tient, mais sans plus.
 
 
Livre de poche 36043 (2020), 236 pages