defourneaux force

 

Ce livre, sensiblement iconoclaste et plein d'humour pose une question désagréable et difficile : qu'est-ce qui constitue la force (et donc la faiblesse) des hommes dans leurs conflits ?

Désagréable, elle l'est par tout ce que nous savons sans vouloir nous l'avouer : notre richesse, notre confort nous permet de rêver d'un monde où, à l'usage de la force brute, viendraient se substituer d'autres moyens pacifiques de règlement des conflits et de l'affirmer comme une vérité universelle. Mais nous savons, tout en voulant l'oublier, que la religion, la morale laïque, la justice ne s'imposent qu'à ceux qui se les imposent à eux-mêmes.



Plus grave encore est le fait que si nous agissons en respect aveugle de ces principes, nous créons à notre désavantage une "faiblesse du fort" qui se refuse à mettre en oeuvre tous les moyens de sa force pour vaincre, ou se défendre.

Sans oublier la confusion de jugement qu'entraîne la valorisation, voire l'idéalisation du faible (solidement en place dans nos consciences) , lorsque cette faiblesse est visible (et médiatisée) ! Personne n'a oublié le sauvetage coûteux de 3 baleines pendant plusieurs semaines quand chaque jour la pêche en capturait des dizaines. Grotesque.

Et puis, ne pensons-nous pas aussi que nous disposons d'armes invincibles qui nous protègent ? Les lignes "Maginot" sont faites pour être contournées et la technologie pour être disséminée (note personnelle : L'Iran aura la bombe A, évidemment). Et surtout, sommes-nous si certains que le jour où l'usage de ces armes sera nécessaire, nous aurons le caractère assez trempé pour le faire ? Et quel opprobre ne recueillerons-nous pas ? (c. f. Hiroshima).

Quant au rêve de guerres propres, chirurgicales, sans pertes collatérales et avec "zéro mort", MD montre à quel point cette idée propagée par les médias est et sera une illusion et combien sa poursuite peut avoir d'effets pervers. Sait-on que 25% des alliés tués au cours de la guerre d'Irak de 1991 l'ont été par des armes "amies" ?

Sur le rôle des médias dans cette confrontation des forces, MD montre bien leur puissance, imbriquée dans celle des opinions publiques. Comme il le dit, "la puissance émotionnelle de l'image ouvre la voie aux réactions les plus irrationnelles". La manipulation n'est pas loin. Sommes-nous assez vigilants ? Comme dit aussi M D : "La guerre était autrefois l'art d'être fort. En se médiatisant, elle est devenue l'art de paraître faible".

Il est impossible de rendre compte en quelques lignes d'un livre aussi dense et aussi riche. Les questions qu'il aborde, d'une manière décapante parfois, sont essentielles et au coeur même de nos choix géostratégiques certes, mais avant tout de nos choix d'hommes libres et ayant envie de le rester.

 

Ce livre a reçu le Prix Edmond FREVILLE 2007 de l'Académie des Sciences Morales et Politiques.

 

Editions L'Harmattan (2005) - 239 pages