Vous n'avez pas lu (ou vous avez oublié) l'Iliade d'Homère ? Ce livre, lu en quelques heures, vous en livrera l'essence. Faites-le, car nos vraies racines sont là, même si le christianisme et le rationalisme ont un peu modifié notre ADN en 3000 ans. Nous devons toujours quelque chose à nos ancêtres, nous conservons toujours quelque chose d'eux. Autant le savoir.
A première lecture, l'Iliade nous choque. Non seulement ce récit parle de guerre, mais encore il nous dit qu'elle est belle et désirable, même si la paix, souvent d'ailleurs chantée par les femmes, possède aussi ses vertus propres.
Désirable, la guerre ? Pour deux raisons principales. D'abord, les villes cités de la Méditerranée doivent se défendre, car leurs richesses (parfois simplement leurs femmes) sont objets de convoitise. C'est ce qui déclenchera la guerre de Troie (~13 siècles av. notre ère), qui durera 10 ans et se terminera par la prise et le sac de Troie par les Achéens.
Mais surtout parce que la guerre est, pour les hommes, la seule voie de salut. Le salut est terrestre et réside dans la renommée que les hommes laissent après leur mort, fondée sur leurs actes. C'est leur gloire, mot suspect de nos jours, qui est en quelque sorte leur salut. Les Grecs n'ont que des dieux humains, improbables et caractériels, dont le salut des hommes est le cadet des soucis.
Le texte fait sans cesse allusion à cette fonction de la guerre : assurer la gloire des hommes, acquise par leurs actes et matérialisée par leurs prises. Et gare à celui qui, comme Agamemnon, tente de détourner à son profit une part du butin acquis à la guerre par un autre, ici Achille. Il le paiera un prix élevé.
Le champ de bataille est donc l'espace public où, par son "action'' (voir Hannah Arendt dans Condition de l'Homme Moderne) l'homme libre existe et acquiert l'immortalité, à défaut de l'éternité privée que le christianisme fera miroiter.
Nous nous pensons à mille lieues de cette vision, nous dont le "travail" et ses valeurs fondent, pour l'essentiel, la légitimité de nos institutions, au moins pour le qui concerne le monde occidental. Je n'en suis pas certain quand je constate combien d'actes (valeureux ou scélérats) n'ont d'autre but que l'affirmation de notre existence libre et la recherche de notre immortalité. Le sport en est la caricature, mais aussi les affaires ou l'exercice d'un art, par exemple, sans parler des actes de violence physique, comme la guerre.
Quant à la beauté de la guerre, du sang et de la mort, qu'avons-nous à reprocher aux Grecs, nous dont la consommation de violence mise en scène sur les écrans est permanente ? Il faut bien que résident encore, au fond de nous, quelques brins d'ADN grecs actifs.
Ce gène est donc toujours là, que 3000 ans de manipulations intenses n'ont pas totalement inactivé. Certes, d'autres "beautés'' que celle de la guerre ont cherché à nous convaincre pour fonder notre civilisation après le vide créé par le christianisme et son repli individuel sur le salut privé. C'est aujourd'hui la production de richesses qui tient la corde ; mais n'est-ce pas au prix de notre liberté, qui se dissout peu à peu dans l'organisation prométhéenne que cette production requiert ?
Ce livre, synthèse moderne de l'Iliade, est un excellent rappel de ce qui est encore au fond de nous, et se lit avec facilité et intérêt.
A première lecture, l'Iliade nous choque. Non seulement ce récit parle de guerre, mais encore il nous dit qu'elle est belle et désirable, même si la paix, souvent d'ailleurs chantée par les femmes, possède aussi ses vertus propres.
Désirable, la guerre ? Pour deux raisons principales. D'abord, les villes cités de la Méditerranée doivent se défendre, car leurs richesses (parfois simplement leurs femmes) sont objets de convoitise. C'est ce qui déclenchera la guerre de Troie (~13 siècles av. notre ère), qui durera 10 ans et se terminera par la prise et le sac de Troie par les Achéens.
Mais surtout parce que la guerre est, pour les hommes, la seule voie de salut. Le salut est terrestre et réside dans la renommée que les hommes laissent après leur mort, fondée sur leurs actes. C'est leur gloire, mot suspect de nos jours, qui est en quelque sorte leur salut. Les Grecs n'ont que des dieux humains, improbables et caractériels, dont le salut des hommes est le cadet des soucis.
Le texte fait sans cesse allusion à cette fonction de la guerre : assurer la gloire des hommes, acquise par leurs actes et matérialisée par leurs prises. Et gare à celui qui, comme Agamemnon, tente de détourner à son profit une part du butin acquis à la guerre par un autre, ici Achille. Il le paiera un prix élevé.
Le champ de bataille est donc l'espace public où, par son "action'' (voir Hannah Arendt dans Condition de l'Homme Moderne) l'homme libre existe et acquiert l'immortalité, à défaut de l'éternité privée que le christianisme fera miroiter.
Nous nous pensons à mille lieues de cette vision, nous dont le "travail" et ses valeurs fondent, pour l'essentiel, la légitimité de nos institutions, au moins pour le qui concerne le monde occidental. Je n'en suis pas certain quand je constate combien d'actes (valeureux ou scélérats) n'ont d'autre but que l'affirmation de notre existence libre et la recherche de notre immortalité. Le sport en est la caricature, mais aussi les affaires ou l'exercice d'un art, par exemple, sans parler des actes de violence physique, comme la guerre.
Quant à la beauté de la guerre, du sang et de la mort, qu'avons-nous à reprocher aux Grecs, nous dont la consommation de violence mise en scène sur les écrans est permanente ? Il faut bien que résident encore, au fond de nous, quelques brins d'ADN grecs actifs.
Ce gène est donc toujours là, que 3000 ans de manipulations intenses n'ont pas totalement inactivé. Certes, d'autres "beautés'' que celle de la guerre ont cherché à nous convaincre pour fonder notre civilisation après le vide créé par le christianisme et son repli individuel sur le salut privé. C'est aujourd'hui la production de richesses qui tient la corde ; mais n'est-ce pas au prix de notre liberté, qui se dissout peu à peu dans l'organisation prométhéenne que cette production requiert ?
Ce livre, synthèse moderne de l'Iliade, est un excellent rappel de ce qui est encore au fond de nous, et se lit avec facilité et intérêt.
Editions folio (2004) - 244 pages