Ce livre, très agréable à lire, éclaire d'une manière brillante les conflits sociaux et de pouvoir des premiers temps de l'époque dite baroque. Il montre aussi, à travers des comportements qui n'en relevaient pas, comment la démocratie a, en France, peiné à naître.
Le pays venait de traverser l'horreur des guerres de religion et l'Etat de perdre une partie de ses références institutionnelles. Nombreux parmi ceux qui le peuvent, les nobles en particulier qui disposent de ressources pérennes, se réfugient dans une défense farouche, presque fanatique de leur identité, de leur honneur, de leur gloire. C'est ce que JMC appelle leur "folle liberté''. D'autres choisiront un stoïcisme actif dont Montaigne fut un vivant exemple.
Pourquoi ? Au delà de la réaction aux guerres de religion que les institutions défaillantes n'avaient su ni prévoir ni traiter, il me semble que l'on peut déceler dans cette défense "folle" de la liberté, l'enfantement douloureux de la modernité, qui va caractériser l'époque baroque et prendra 200 ans en France. Une de ses caractéristiques en est justement l'absorption de la sphère privée par la sphère publique, non seulement par la restriction progressive des droits privés en faveur des droits publics, mais aussi par l'adoption des valeurs privées (économie, santé, protection personnelle, éducation, etc.) par les valeurs publiques. C'est ce que Hannah Arendt décrit si bien dans "Condition de l'homme moderne". La réaction est violente contre cet empiétement, réaction difficile à replacer dans son contexte aujourd'hui, où presque plus rien n'est encore privé. La rupture se dessine alors qui trouvera son apex à la Révolution où le parti moderne écrasera la vision privée de ces nobles.
Le livre montre bien, également, le confit entre cette vision privée et celle d'un état naissant qui cherche à travers certains de ses grands serviteurs, dans une forme encore modeste d'organisation centrale, une efficacité et une productivité incontestablement modernes et, en tous cas, supérieure à celle résultant de la juxtaposition de sphères privées individuelles qui, en revanche, convenait assez bien à la guerre "en dentelles" de l'époque. Il montre aussi combien la vision politique de certains souverains, inconscients de cette vague de bouleversements, était peu moderne et combien elle préparait mal au monde dominé par l'efficacité économique qui allait suivre. Ni les rois, ni cette noblesse ''follement libre'' n'allaient savoir justifier leurs privilèges dans un monde qui changeait et dont la Révolution mit un terme à l'inutilité. L'Angleterre saura, cent ans avant la France, mettre en place les institutions propres à accompagner ce changement. La France paiera son retard par la baisse inéluctable de sa place dans le monde.
Ce voyage dans les cinquante premières années du 17 e. siècle est passionnant et la lecture du livre un plaisir intelligent, que l'on peut recommander sans réserve.
Le pays venait de traverser l'horreur des guerres de religion et l'Etat de perdre une partie de ses références institutionnelles. Nombreux parmi ceux qui le peuvent, les nobles en particulier qui disposent de ressources pérennes, se réfugient dans une défense farouche, presque fanatique de leur identité, de leur honneur, de leur gloire. C'est ce que JMC appelle leur "folle liberté''. D'autres choisiront un stoïcisme actif dont Montaigne fut un vivant exemple.
Pourquoi ? Au delà de la réaction aux guerres de religion que les institutions défaillantes n'avaient su ni prévoir ni traiter, il me semble que l'on peut déceler dans cette défense "folle" de la liberté, l'enfantement douloureux de la modernité, qui va caractériser l'époque baroque et prendra 200 ans en France. Une de ses caractéristiques en est justement l'absorption de la sphère privée par la sphère publique, non seulement par la restriction progressive des droits privés en faveur des droits publics, mais aussi par l'adoption des valeurs privées (économie, santé, protection personnelle, éducation, etc.) par les valeurs publiques. C'est ce que Hannah Arendt décrit si bien dans "Condition de l'homme moderne". La réaction est violente contre cet empiétement, réaction difficile à replacer dans son contexte aujourd'hui, où presque plus rien n'est encore privé. La rupture se dessine alors qui trouvera son apex à la Révolution où le parti moderne écrasera la vision privée de ces nobles.
Le livre montre bien, également, le confit entre cette vision privée et celle d'un état naissant qui cherche à travers certains de ses grands serviteurs, dans une forme encore modeste d'organisation centrale, une efficacité et une productivité incontestablement modernes et, en tous cas, supérieure à celle résultant de la juxtaposition de sphères privées individuelles qui, en revanche, convenait assez bien à la guerre "en dentelles" de l'époque. Il montre aussi combien la vision politique de certains souverains, inconscients de cette vague de bouleversements, était peu moderne et combien elle préparait mal au monde dominé par l'efficacité économique qui allait suivre. Ni les rois, ni cette noblesse ''follement libre'' n'allaient savoir justifier leurs privilèges dans un monde qui changeait et dont la Révolution mit un terme à l'inutilité. L'Angleterre saura, cent ans avant la France, mettre en place les institutions propres à accompagner ce changement. La France paiera son retard par la baisse inéluctable de sa place dans le monde.
Ce voyage dans les cinquante premières années du 17 e. siècle est passionnant et la lecture du livre un plaisir intelligent, que l'on peut recommander sans réserve.
Editions Perrin (2007) - 322 pages