lao mentait
 
Lao She (1899-1966) est un écrivain chinois d'origine mandchoue, que la révolution culturelle à "suicidé". Il a été réhabilité depuis. Cette série de nouvelles (il y en a 14 ici) est, à mon goût, un chef d'oeuvre. LS a le talent de mêler drame, humour, analyse des hommes tout en restant simple et vrai.

LS a vécu dans un monde chinois que l'invasion japonaise de 1937 aidait à disparaître dans sa tradition lourde et stérile. C'est justement cette fin d'un monde, cette déchirure douloureuse, qui sous-tend ces nouvelles. Cet "homme qui ne mentait jamais" incarne, par exemple, une rigidité vertueuse, sans doute honorable dans un monde stable, mais ici stérile au coeur des bouleversements du pays. On ne peut s'empêcher de penser à ces écrivains japonais qui, comme Soseki ou Tanizaki, avaient eux aussi connu (bien avant !) la fin de leurs certitudes et avaient su en tirer la splendide littérature que l'on connaît.

C'est donc au milieu de cette rupture que LS écrit, entre sa vieille Chine qu'il aime (les 
'hutongs' de Pekin) et décrit si bien et le monde 'occidental' dont la vigueur est respectée et imitée. Mao poussera la chose jusqu'à la folie mais aura, aux yeux de LS, la vertu d'incarner le changement attendu. Comme d'autres, LS en mourra, "suicidé".

LS, plein d'humour (
'Le crachoir de Maître Niu', par exemple), nous communique aussi son plaisir de raconter (comme dans 'Les lunettes'). Il sait assumer avec un certain stoïcisme le tragique de son époque sans jamais revendiquer ni geindre. La simplicité et la vérité de son ton sont sans faille.

Un très beau livre.


Editions Picquier Poche (2006) - 356 pages