mambou coeursCe roman, écrit par un jeune homme de 31 ans, parle sans emphase et avec beaucoup d'humanité d'un point délicat, la coexistence entre Européens et Africains, sujet trop souvent traité avec brutalité et préjugés. Avec une grande douceur, il nous fait sentir les difficultés réelles de ceux qui vivent cette coexistence ; il veut nous faire voir par nous-mêmes et non nous asséner des "principes" ou des "vérités". C'est tout à son honneur.

L'exil, l'immigration comme on dit, a de tout temps été un sujet difficile à comprendre quand on ne l'a pas vécu. J'ai en mémoire le magnifique livre de Stefanie Zweig - une enfance africaine - qui parle de l'exil de juifs allemands en Afrique du Sud. On se souvient aussi des drames des Mann ou des Zweigs (Stefan), qui nous rappellent que l'exil a une histoire qui dépasse largement l'exil de pauvreté que nous vivons en ce moment. Et il n'y a jamais eu sur terre autant d'exilés... Ce roman, qui nous aide à comprendre, est donc utile.

Il n'en reste pas moins que cette banalisation du drame n'en réduit pas sa charge humaine. Ce livre nous prend par la main avec simplicité et nous montre que vivre loin, sans papier, sans ressource ou sans sécurité sociale, est un malheur difficile à vivre, sans compter la rupture affective qui s'y attache. Et si rentrer au pays signifie misère, voire risque vital, que faut-il faire ?

ChM montre aussi ce que cet éloignement apporte comme difficultés dans la famille de l'exilé. Sa place est vide ; il n'existe à peu près plus, surtout si ses ressources faiblissent. Le retour sera dur ...

Le roman nous fait aussi éprouver le contexte, que l'on qualifie parfois un peu vite de raciste, et qui fait s'entrechoquer des habitudes, des traditions difficilement compatibles. Des hommes, blancs ou noirs, qui croient que leurs choix sociaux, humains, économiques sont bons chercheront toujours à les défendre et ils seraient lâches de ne pas le faire. Que cela les conduise à dénoncer (comme dans le roman), ou à faire pire, devient un acte d'homme libre, qui, comme tel, doit être jugé. Mais ne rêvons pas, la conciliation paisible dans une société de modes de vie et de pensée formés par les siècles est une utopie dangereuse. Je crois pour ma part à une tolérance positive et limitée (je n'approuve pas, mais je tolère) et non à une tolérance négative (je ne choisis rien et j'approuve n'importe quoi).

ChM nous parle aussi avec talent de la société africaine et de ses enfermements tribaux, ethniques et traditionalistes. Hélas...

Bien structuré en petits chapitres courts, avec une intrigue à laquelle on peut ajouter foi, ce livre nous fait partager un problème grave de nos sociétés avec simplicité. C'est une réussite.

Editions Le marchand de Tyr (2006) - 150 pages