Comment philosopher à coups de marteau
FN est un écrivain peu fréquentable. Il a pourtant écrit là (en 1888) un essai agressif, paradoxal, iconoclaste, mais accoucheur d'évidences incontestables dont il a le secret. D'une parfaite incorrection politique, certes, mais prémonitoire sous bien des aspects.
Sa thèse est résumée par ces mots "Etre obligé de lutter contre ses instincts - voilà bien la formule de la décadence : tant que la vie suit une courbe ascendante, bonheur égal instinct". Il part au fond en guerre contre la rationalisation excessive du monde, contre l'oubli par l'homme de sa nature animale profonde. Il dénonce, les constructions intellectuelles (les idoles) que l'homme a dressées en absolu (l'être, le bien, le vrai, la perfection, la morale, les droits, dieu, etc.) et qui deviennent des tyrans qui l'asservissent.
Vouloir, par exemple, l'homme "vertueux'', (voir son chapitre "La morale, une anti-nature'') c'est en partie vouer à ''l'immoral'' tout ce qui n'entre pas dans le cadre de la vertu. C'est en partie tuer l'originalité des êtres et les castrer. C'est nier la vie, sa force, sa richesse, sa diversité, mais aussi sa cruauté. L'image qu'il choisit et qui frappe, est celle du vieux lion dompté : on a rendu la bête "meilleure" en en faisant une bête "maladive''.
Il reproche à l'homme moderne (de 1888 ! ; mais reconnaissons que ce qu'il voyait alors n'a fait que se développer) de trop marcher avec sa tête et de se payer de mots, de prendre ses concepts (dieu par exemple) pour des réalités alors qu'ils ne sont qu'un sous-produit de son corps pensant.
Il se sait "inactuel". Nous dirions qu'il sait qu'il n'est pas politiquement correct. Le chapitre de ses "Divagations d'un inactuel'' est un festival d'audace méchante. Et, même si cela sent souvent l'excès, et que certaines propositions choquent et sont inacceptables, voire inhumaines, il n'en reste pas moins que FN met le doigt sur une des faiblesses réelles des civilisations évoluées de type occidental. Oublier à ce point la bête en nous, la contraindre et la placer sous le commandement en toutes circonstances de la tête, de la raison, de la loi est peut-être se priver d'une part précieuse de nous-mêmes, mais surtout préparer la place à ceux qui, un jour, n'auront plus ces scrupules.
FN est un chantre de la vie, spontanée, imparfaite, diverse, souvent brutale et toujours incertaine et inconfortable. L'opposé du rêve du bourgeois, de l'ouvrier, du chrétien, au risque du retour à l'état brut. Trop est sans doute trop, mais lorsqu'il dit que "Platon est lâche devant la réalité - par conséquent, il se réfugie dans l'idéal', il me semble que nous sommes tous des petits Platons type onusien, aux soldats désarmés, esclaves consentants d'un rêve qui prend chaque jour plus de distance avec la réalité.
Un livre choquant, mais utile.
Sa thèse est résumée par ces mots "Etre obligé de lutter contre ses instincts - voilà bien la formule de la décadence : tant que la vie suit une courbe ascendante, bonheur égal instinct". Il part au fond en guerre contre la rationalisation excessive du monde, contre l'oubli par l'homme de sa nature animale profonde. Il dénonce, les constructions intellectuelles (les idoles) que l'homme a dressées en absolu (l'être, le bien, le vrai, la perfection, la morale, les droits, dieu, etc.) et qui deviennent des tyrans qui l'asservissent.
Vouloir, par exemple, l'homme "vertueux'', (voir son chapitre "La morale, une anti-nature'') c'est en partie vouer à ''l'immoral'' tout ce qui n'entre pas dans le cadre de la vertu. C'est en partie tuer l'originalité des êtres et les castrer. C'est nier la vie, sa force, sa richesse, sa diversité, mais aussi sa cruauté. L'image qu'il choisit et qui frappe, est celle du vieux lion dompté : on a rendu la bête "meilleure" en en faisant une bête "maladive''.
Il reproche à l'homme moderne (de 1888 ! ; mais reconnaissons que ce qu'il voyait alors n'a fait que se développer) de trop marcher avec sa tête et de se payer de mots, de prendre ses concepts (dieu par exemple) pour des réalités alors qu'ils ne sont qu'un sous-produit de son corps pensant.
Il se sait "inactuel". Nous dirions qu'il sait qu'il n'est pas politiquement correct. Le chapitre de ses "Divagations d'un inactuel'' est un festival d'audace méchante. Et, même si cela sent souvent l'excès, et que certaines propositions choquent et sont inacceptables, voire inhumaines, il n'en reste pas moins que FN met le doigt sur une des faiblesses réelles des civilisations évoluées de type occidental. Oublier à ce point la bête en nous, la contraindre et la placer sous le commandement en toutes circonstances de la tête, de la raison, de la loi est peut-être se priver d'une part précieuse de nous-mêmes, mais surtout préparer la place à ceux qui, un jour, n'auront plus ces scrupules.
FN est un chantre de la vie, spontanée, imparfaite, diverse, souvent brutale et toujours incertaine et inconfortable. L'opposé du rêve du bourgeois, de l'ouvrier, du chrétien, au risque du retour à l'état brut. Trop est sans doute trop, mais lorsqu'il dit que "Platon est lâche devant la réalité - par conséquent, il se réfugie dans l'idéal', il me semble que nous sommes tous des petits Platons type onusien, aux soldats désarmés, esclaves consentants d'un rêve qui prend chaque jour plus de distance avec la réalité.
Un livre choquant, mais utile.
Editions folio essais 88 - 150 pages