N S est courageux ; le sujet est actuel, mais le débat vite caricaturé par l'exercice des passions. NS pose bien la question de la place du fait religieux dans notre République. Il aurait fallu cependant rappeler que celle-ci est autant issue d'une culture chrétienne que d'une lutte contre cette culture et contre ses représentants, pour faire émerger des valeurs de liberté et de raison. Ces valeurs lui étaient plutôt étrangères, à l'époque où le prestige et la puissance de la culture chrétienne absolue lui laissait le choix de sa posture.
Les grandes attendus de NS sont clairs et méritent d'être rappelés :
- 'la République est une façon d'organiser l'univers temporel', mais cela ne suffit pas à l'homme. Propos de croyant sans complexe.
- l'exercice de la foi est une liberté individuelle fondamentale. 'Or, la République, c'est la garantie pour chacun du respect de ses libertés fondamentales'.
-' La liberté de croire, comme les autres, se doit de respecter des règles et un code qui ne peuvent se trouver en contradiction avec les valeurs républicaines'. C'est en fait l'affirmation de la préséance de la loi sur la foi.
-' la religion n'est pas seulement un phénomène cultuel, elle est aussi un élément d'identité culturelle'.
-' la France est devenue multiculturelle, multiethnique, multireligieuse et on ne le lui a pas dit'.
- l'intégrisme, l'extrémisme religieux, c'est vouloir imposer aux autres un engagement personnel. C'est une violence, une agression contre la liberté des individus et, comme tel, il doit être condamné et poursuivi.
- la religion fait souvent mauvais ménage avec la pondération, car elle est en elle même porteuse d'absolu. Cela implique la nécessité de vigilance républicaine.
Voilà qui exprime bien les références d'un homme d'état qui doit prendre des décisions d'ordre public. Elles sont globalement acceptables par tous ceux que l'idéologie n'aveugle pas. Il est bien qu'un homme qui veut marquer son temps prenne le temps de réfléchir à ces sujets et rende ses choix publics.
En revanche, j'éprouve moins de sympathie pour une prise de position qui me paraît réductrice lorsque NS aborde l'espérance et rejette ceux qui ne croient pas dans une sorte de ghetto de désespérance. Celui qui n'aurait pas l'attente d'un au-delà de la mort serait-il sans espérance ? NS nous le laisse croire à plusieurs reprise, pour donner un semblant de fondement aux religions, grandes productrices de solutions clé (ou dieux) en mains. Fichtre ! L'espérance ne doit-elle pas être que nos actes aient, pour nos proches et même pour notre espèce, des conséquences utiles, favorables, heureuses ? Si les religions ont la moindre utilité, c'est à nous aider à déblayer par la réflexion et l'expérience les voies du bien et du mal, mais sûrement pas à nous raconter des histoires dignes de madame soleil sur ce qui arrivera après notre mort. L'espérance, ainsi définie, me paraît en tous cas plus belle que celle d'avoir une jolie chambre tout confort à l'hôtel du paradis. Il me paraît plus utile d'essayer de découvrir la pénicilline que de passer sa vie à se regarder le nombril sous prétexte de méditation. Il dit bien (p. 33) 'ce sont nos actes qui nous engagent', mais n'en tire pas les conséquences.
De même, quand NS fait de la République un moyen et de l'aspiration spirituelle une fin (p. 23) il implique une hiérarchie que je récuse, car elle donne des armes et une sorte de priorité à ceux qui répondent à cette aspiration spirituelle. Or ceux-ci, qui détiennent une" vérité", ne voient jamais d'un bon oeil ce monde qui change et que NS reconnaît comme notre monde réel. Il me semble y avoir là une autre contradiction.
NS dit enfin qu'il y a un saut entre la raison et foi'. En effet ! Ceci fait craindre que l'espace qu'il souhaite donner aux religions ne soit acquis au dépend de celui laissé à la raison. Si l'on a, comme moi, la conviction que les domaines universels où les hommes peuvent se retrouver sans s'entre-tuer sont leurs intérêts (l'échange libre et l'économie), la raison (et sa lente construction de la compréhension de notre univers) et la beauté profonde (l'harmonie de l'homme avec le monde), on peut craindre en revanche que ces religions, si elles ne sont pas sous contrôle constant, ne soient que des facteurs de haine et de division. L'histoire ne montre à peu près rien d'autre. Si les Etats Unis font peur aujourd'hui, c'est parce qu'ils placent les vérités de la bible au même niveau que celles de la science et font de cette foi qui devrait rester privée une vérité d'état.
Ces réserves ne sont pas un désaveu du livre et de la réflexion de NS. L'exercice de la foi doit être protégé. La République, institution permettant une vie commune, en a le devoir. NS a raison de le rappeler et de chercher à donner aux religions une place 'républicaine'. Pour ce faire, il propose entre autres une révision du financement des religions, une certaine évolution de l'enseignement et affirme le besoin d'une répression vigoureuse des comportements contraires à la loi sous prétexte de 'foi'. Il prend soin pour cela de bien rappeler ce qui à son avis relève du domaine de l'extrémisme ou des sectes. Travail utile et base clarifiée d'action politique.
Cinq millions du musulmans en France obligent à une révision de certains dogmes. NS a le mérite de lancer la balle.
Les grandes attendus de NS sont clairs et méritent d'être rappelés :
- 'la République est une façon d'organiser l'univers temporel', mais cela ne suffit pas à l'homme. Propos de croyant sans complexe.
- l'exercice de la foi est une liberté individuelle fondamentale. 'Or, la République, c'est la garantie pour chacun du respect de ses libertés fondamentales'.
-' La liberté de croire, comme les autres, se doit de respecter des règles et un code qui ne peuvent se trouver en contradiction avec les valeurs républicaines'. C'est en fait l'affirmation de la préséance de la loi sur la foi.
-' la religion n'est pas seulement un phénomène cultuel, elle est aussi un élément d'identité culturelle'.
-' la France est devenue multiculturelle, multiethnique, multireligieuse et on ne le lui a pas dit'.
- l'intégrisme, l'extrémisme religieux, c'est vouloir imposer aux autres un engagement personnel. C'est une violence, une agression contre la liberté des individus et, comme tel, il doit être condamné et poursuivi.
- la religion fait souvent mauvais ménage avec la pondération, car elle est en elle même porteuse d'absolu. Cela implique la nécessité de vigilance républicaine.
Voilà qui exprime bien les références d'un homme d'état qui doit prendre des décisions d'ordre public. Elles sont globalement acceptables par tous ceux que l'idéologie n'aveugle pas. Il est bien qu'un homme qui veut marquer son temps prenne le temps de réfléchir à ces sujets et rende ses choix publics.
En revanche, j'éprouve moins de sympathie pour une prise de position qui me paraît réductrice lorsque NS aborde l'espérance et rejette ceux qui ne croient pas dans une sorte de ghetto de désespérance. Celui qui n'aurait pas l'attente d'un au-delà de la mort serait-il sans espérance ? NS nous le laisse croire à plusieurs reprise, pour donner un semblant de fondement aux religions, grandes productrices de solutions clé (ou dieux) en mains. Fichtre ! L'espérance ne doit-elle pas être que nos actes aient, pour nos proches et même pour notre espèce, des conséquences utiles, favorables, heureuses ? Si les religions ont la moindre utilité, c'est à nous aider à déblayer par la réflexion et l'expérience les voies du bien et du mal, mais sûrement pas à nous raconter des histoires dignes de madame soleil sur ce qui arrivera après notre mort. L'espérance, ainsi définie, me paraît en tous cas plus belle que celle d'avoir une jolie chambre tout confort à l'hôtel du paradis. Il me paraît plus utile d'essayer de découvrir la pénicilline que de passer sa vie à se regarder le nombril sous prétexte de méditation. Il dit bien (p. 33) 'ce sont nos actes qui nous engagent', mais n'en tire pas les conséquences.
De même, quand NS fait de la République un moyen et de l'aspiration spirituelle une fin (p. 23) il implique une hiérarchie que je récuse, car elle donne des armes et une sorte de priorité à ceux qui répondent à cette aspiration spirituelle. Or ceux-ci, qui détiennent une" vérité", ne voient jamais d'un bon oeil ce monde qui change et que NS reconnaît comme notre monde réel. Il me semble y avoir là une autre contradiction.
NS dit enfin qu'il y a un saut entre la raison et foi'. En effet ! Ceci fait craindre que l'espace qu'il souhaite donner aux religions ne soit acquis au dépend de celui laissé à la raison. Si l'on a, comme moi, la conviction que les domaines universels où les hommes peuvent se retrouver sans s'entre-tuer sont leurs intérêts (l'échange libre et l'économie), la raison (et sa lente construction de la compréhension de notre univers) et la beauté profonde (l'harmonie de l'homme avec le monde), on peut craindre en revanche que ces religions, si elles ne sont pas sous contrôle constant, ne soient que des facteurs de haine et de division. L'histoire ne montre à peu près rien d'autre. Si les Etats Unis font peur aujourd'hui, c'est parce qu'ils placent les vérités de la bible au même niveau que celles de la science et font de cette foi qui devrait rester privée une vérité d'état.
Ces réserves ne sont pas un désaveu du livre et de la réflexion de NS. L'exercice de la foi doit être protégé. La République, institution permettant une vie commune, en a le devoir. NS a raison de le rappeler et de chercher à donner aux religions une place 'républicaine'. Pour ce faire, il propose entre autres une révision du financement des religions, une certaine évolution de l'enseignement et affirme le besoin d'une répression vigoureuse des comportements contraires à la loi sous prétexte de 'foi'. Il prend soin pour cela de bien rappeler ce qui à son avis relève du domaine de l'extrémisme ou des sectes. Travail utile et base clarifiée d'action politique.
Cinq millions du musulmans en France obligent à une révision de certains dogmes. NS a le mérite de lancer la balle.
Editions du Cerf (2004) - 172 pages