Conversations avec Elisabeth Lévy
Ce livre est obèse : trop de pages, trop de mots, trop de néologismes, trop d'excès en tout. Or, j'ai la faiblesse de penser que pour être efficace, la présentation d'une thèse doit être concise. L'incontinence verbale dont PhM fait preuve, bien que souvent contenue par EL, dessert l'intention du pamphlet.
C'est dommage, car ce qu'il dit vaut la peine d'être lu et médité, en dépit de ses débordements de langage. Si résumer est trahir, trahissons : Notre civilisation, riche, s'est construite depuis les années 50 autour d'une protection et d'un accompagnement accru du citoyen. Qui peut s'en offenser ? Mais hélas à un prix qui devient lourd que PhM résume par une infantilisation des hommes de moins en moins responsables de leurs actes devant leur destin, qui cesse ainsi de leur être propre. La "grande mère" sociale pourvoit à tout ou presque.
Conséquences ? L'enfant que nous devenons fonde ses actes sur ses pulsions que rien ne doit entraver : moi, je. Il n'y a plus d'histoire, plus de progrès, plus de contraintes en particulier morales, plus de culture ; le mot d'ordre : jouir de jouir, "Festivus, Festivus", comme "Sapiens, Sapiens" savait qu'il savait. Dévastation progressive d'une civilisation qui ne se fonde plus sur des conventions qui la structurent. Confusion des valeurs ("tout est culture", levée des tabous en particulier sexuels et bientôt l'inceste, etc.), égalitarisme militant (il est suspect d'être doué : Einstein au poteau !), destruction de la sphère privée (on vous protège et on se dit tout en tout exhibitionnisme pornographique), liberté individuelle mangée par des lois qui contraignent non plus les actes, mais aujourd'hui la pensée (loi de décembre 2004 sur la "discrimination" ! ), victimisation à tout propos (comme les homos jouant aux victimes par exemple), etc. Et tout cela dans la fête permanente pour amuser l'enfant : Gay quelque chose, Paris Plage, JO 2012, grèves avec tambours et trompettes, raves et autres putes soumises au vent qui passe. C'est vrai que le bruit évite de penser.
La réaction des auteurs devant ce constat, assez évident, me semble en revanche discutable. "Soucieux d'oublier le goût du fruit de l'arbre de la connaissance, le nouvel homme n'aspirerait plus qu'à redevenir un animal innocent et heureux" écrit EL. Soit, et alors ? PhM nous propose d'en rire. Bon, rions ça ne peut pas faire de mal.
Il me semble qu'il faille plutôt en pleurer, de préférence de rage. Car l'histoire humaine montre qu'il y a toujours un moment où le réel reprend le dessus, en général par la violence et la destruction. Un peuple d'enfants revendicatifs et jouisseurs ne peut que se déchirer quand l'abondance faiblit, comme c'est aujourd'hui le cas de notre pays. Le pire est possible, comme Hitler, Lénine et autres joyeux drilles l'ont montré lorsque les sociétés où ils vivaient perdaient leurs repères et voyaient leurs richesse fondre. Que tous ces enfants attendent un père me semble évident. Un" père des peuples", puisque la démocratie, une démocratie d'enfants égoïstes, n'apporte pas de solution. Serions nous proches des lendemains qui chantent ?