finsil bibleTitre et sous titre racoleurs ; voilà qui fait hésiter. Et pourtant, bien que n'ayant qu'une considération modeste pour les voies surnaturelles, je vous conseille de lire ce livre passionnant et fort bien écrit.

D'abord si vous n'avez pas lu la Bible (disons oublié pour être aimable), vous trouverez ici un exposé remarquable, appuyé de tableaux clairs et de cartes, sur cette gigantesque saga fondatrice de notre civilisation. Plus précisément, sur la première moitié de l'ancien testament (Pentateuque et Prophètes antérieurs), c'est à dire jusqu'à l'Exil (6 ème siècle av. notre ère).

Mais ce n'est pas là l'objet du livre. Donnons la parole aux auteurs, archéologues israélien et belge :

"Il est aujourd'hui évident qu'un grand nombre d'événements de l'histoire biblique ne se sont déroulés ni au lieu indiqué ni de la manière dont ils sont rapportés. Bien plus, certains épisodes les plus célèbres de la Bible n'ont tout simplement jamais eu lieu".

 

Provocation ? Je ne crois pas que les auteurs en aient eu l'intention ; la lecture attentive confirme leur respect pour ce monument. Il me semble même qu'en faisant la part de ce qui est historique et de ce qui ne l'est pas, et en donnant les fondements de ces mythes tels que l'archéologie permet de les saisir, ils confèrent à la Bible une humanité qui la rend plus crédible et plus proche. Si j'étais prêtre du Temple, ou fanatique d'absolu, j'aurais sans doute un autre langage..

Ce livre ne se résume pas, sauf peut-être à dire que les auteurs concluent que les parties en question de la Bible ont été compilées au service d'un roi ambitieux, Josias, au cours du 6 ème siècle av. notre ère (et modifiées après l'Exil) pour servir de document fondateur de l'identité du peuple de Judée. Rien là d'extraordinaire : si Clovis s'est converti, n'était-ce pas dans le même but ? Et si Ashoka (Inde vers 250 av. notre ère) consolide son empire en faisant du bouddhisme la religion d'état, agissait-il autrement ?

Ce qui me semble moins banal est qu'en dépit de ses revers et de sa toute petite place dans le monde, perdu entre l'Egypte, les Assyriens, la Perse, les Israélites aient pu conserver leur identité et leur "Loi". D'autres auraient adopté des dieux apportant plus de succès guerriers à leurs adorateurs. La tentation a été forte, sévèrement punie par Yahvé, de collaborer avec les vainqueurs et leurs dieux. Ils auraient pu aussi développer un rejet de ce dieu cruel qui n'hésitait pas à les faire décimer ici ou là pour leurs péchés. Il faudra d'ailleurs réécrire la Bible pour justifier l'Exil après que le vertueux Josias ait été tué, lui à qui avait été promis réussite dans toutes ses entreprises.

Notons aussi cet autre enseignement, si spécifique de notre civilisation, que nous révèle cette analyse : quelque vengeur et violent qu'il soit, ce dieu ne peut pas tout. S'il punit l'homme pour ses actes c'est qu'il le rend responsable, donc libre. Le christianisme saura construire là dessus. On se sent plus près du bouddhisme, sans dieu, et du karma asiatique, que de l'Islam monothéiste.

Bien sur, pour un esprit respectueux des faits, la mise en évidence des liberté que prend la Bible avec l'histoire ne la rehausse pas. Mais elle n'en reste pas moins un moteur d'action incomparable, un refuge du coeur, toujours épris d'un peu de magie, autre forme de l'espoir. La raison court un peu derrière..

Editions Bayard (2002) - 430 pages