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La beauté ou l'intérêt de quelque chose ou de quelqu'un est souvent autant dans le regard qu'on lui porte que dans l'objet lui même. Il en va ainsi pour ce livre, classé à juste titre "Série Noire" de Gallimard, mais qui est aussi un vrai roman.

On peut le lire comme un policier classique et y trouver son plaisir. Il est bien ficelé, l'intrigue est solide tient le lecteur jusqu'au bout. Un polard de base, quoi.

Mais c'est aussi un roman qui, comme tous les romans, vaut en grande partie pour ce qu'il évoque en nous de souvenirs, d'expériences, d'illusions et de désillusions. Notre héros est ici un homme juste qui a perdu confiance dans ses institutions et particulièrement celles de la justice. Ce n'est pas le héros américain qui, en attente d'institutions stables, fait la justice lui même. C'est au contraire un vieux routard désillusionné qui croit encore que la justice est un devoir des hommes et qui sait que ses institutions n'en ont plus le pouvoir. Une vraie maladie de notre époque, même aujourd'hui en Amérique, qui dévalorise peu à peu les institutions au profit de l'action directe, avec ce qu'elle a de passionné, de retour à la bête violente, égoïste et injuste. Des petits "Bovés" en sorte. Les institutions récoltent sans doute ce que leur laxisme a semé.

Ce roman aborde aussi un thème qui m'est cher, celui du caractère indiscernable essentiel du bien et du mal. Même si une ne vie ne se construit qu'en triant sans cesse le bien du mal, il n'est jamais possible de faire l'un sans l'autre, un peu. Et surtout, il n'est pas possible de ne pas en souffrir, ou tout au moins de ne pas avoir le sentiment de l'inachevé, de l'inabouti. C'est peut-être une bonne leçon de sagesse ?
 
Editions "Série Noire" de Gallimard - 280 pages