schneider heure
 
Ce livre date de 2001. Il participe au souci de l'Allemagne d'exorciser son passé récent. Il montre comment un musicien juif échappe aux camps grâce à l'aide d'allemands courageux qui , l'un après l'autre, lui ont fait gagner une heure. Il montre aussi que d'autres, les plus nombreux, n'ont rien fait et souvent même l'ont dénoncé.
L'histoire est vraie et le héros vit encore. Le récit, construit sur des entretiens, raconte, pas à pas, comment entre 1943 et 1944 le pianiste Konrad Latte échappe à la traque et passe souvent au bord du pire. Ce livre est donc avant tout un hommage à ceux qui humblement mais courageusement ont contribué à garder une lumière ténue d'humanité dans cette folie criminelle.

Il apporte aussi une information vivante sur cette clandestinité : changer de logement souvent, d'identité , se procurer des papiers aussi ressemblants que possible, trouver des tickets d'alimentation sorte de preuve d'identité, se vêtir proprement. Mener une vie d'apparence normale dans la crainte continue de l'accident aux conséquences mortelles.

Il montre aussi que la fin de la guerre n'a pas mis un terme par enchantement à cette conduite des allemands nombreux qui approuvaient les nazis ou avaient été leurs complices. Ceux qui généreusement avaient aidé des juifs n'eurent droit qu'à fort peu de reconnaissance de la part du reste de la population. La blessure est profonde.

Autant ce livre est fort et utile par ce qu'il dit, autant j'avoue rester sur ma faim devant son style. La volonté de l'auteur de rester sobre en utilisant des phrases courtes sans qualificatifs, sans jamais laisser son coeur s'ouvrir me semble un pari perdu. Le sujet traité n'est pas un rapport à un conseil d'administration et un peu plus d'engagement aurait été réaliste. L'auteur restait-il de marbre devant ce qu'il a raconté ? Sûrement pas. Pourquoi son style est-il si froid ? Il y a là un peu d'affectation.

Je n'approuve pas non plus son refus systématique d'aller au delà des faits. Les survivants qu'il a interrogés n'avaient-ils aucune opinion sur les causes et les circonstances de cette dérive ? J'aurais aimé le savoir et les écouter. Eux qui ont tant hésité à rester en Allemagne, mais qui y sont restés, comment cette réinsertion s'est-elle passé ? Quelle est leur vision de l'avenir ?

En dépit de ces quelques regrets, ce livre me semble important, se lit vite et apporte une rare vision de l'intérieur d'une situation qui a donné lieu à trop de descriptions excessives et délibérément pittoresques (Ex. le film "Le pianiste" condamnable sur presque tous les plans).L'équilibre est difficile.
 
Editions Grasset (2002) - 225 pages