Le bonheur personnel est politiquement correct, et ses recettes font florès. Voici donc une nouvelle publication sur le sujet, qui ajoute un principe bouddhique du grand véhicule, fort respectable, que c'est le bonheur de tous les êtres qui doit être recherché... pour pouvoir atteindre le sien. Je note au passage que je croyais avoir compris que le bouddhisme était avant tout une pratique destinée à éliminer la souffrance. Je me retrouve ici avec une pratique à fabriquer du bonheur. Ce n'est pas tout à fait pareil, et ce subtil glissement me gêne un peu.
Soyons d'abord reconnaissants à l'auteur de son effort de distinction nettement affirmé entre le bonheur, un état de plénitude positive durable, et le plaisir par essence fugitif et dont l'aspiration au retour provoque un risque de dépendance négative. Ce dont il fait ici le plaidoyer est le bonheur profond, la 'soukha' bouddhique. Il serait difficile de ne pas être en ligne avec cette proposition ; il est beaucoup moins facile d'approuver la phrase suivante, page 302 : 'Pour que l'éthique reste humaine elle doit refléter l'aspiration la plus profonde de tout être vivant, celle de l'homme comme de l'animal, à savoir : connaître le bien-être et éviter la souffrance'. Je suis profondément convaincu que cette aspiration n'est que secondaire à une autre beaucoup plus profondément enracinée dans toutes les espèces et qui a jusqu'ici assuré notre survie au cours de l'évolution : l'instinct de reproduction, de protection et d'éducation des petits et pour quoi le bonheur est sans doute un accessoire utile. Cela change un peu la perspective et les priorités.
Autre désaccord de fond, celui qui m'envahit à la lecture du chapitre 18, éloge de l'ermite et mépris des activité économiques. Cela peut être un choix personnel, mais en aucun cas un exemple. C'est cracher dans la soupe qu'oublier ce que la lente construction des économies dans nos civilisations a apporté aux hommes.
En dépit de ces quelques divergences, il est vrai que la construction de sa propre personne est une tâche importante et que les propositions de ce livre méritent toute notre attention. Citons par exemple :
- le danger de laisser filer ses pulsion 'naturelles' p. 39
- le plaisir est un bien tant qu'il n'entraîne pas de dépendance p. 45
- ce ne sont pas les choses elles-mêmes, mais la vision qu'en a notre esprit qui fait mal p. 54
- le bonheur se gagne ; c'est un entraînement de l'esprit p. 40 et 68
- l'attachement est cause de souffrance p.96
- le moi est une idée, cause de nombreuses impasses chap. 7
- devant les émotions négatives (comme la haine) utiliser des antidotes p.129
- considérer ses émotions comme des vagues qui vont et viennent p. 134
- être libre c'est être d'abord maître de soi même p. 158
- l'altruisme est une source de bonheur chap. 13
- l'incapacité à gérer ses pensées est la cause majeure du mal-être p.231
- l'homme peut, par son effort modifier le fonctionnement de son cerveau chap. 21
Ajoutons à cela de nombreuses remarques intelligentes et certainement utiles à tous ceux qui savent que le bonheur est en soi et que sa culture vaut bien un effort.
Mais n'oublions pas que la seule recherche du nirvana n'aurait pas permis à l'homme d'inventer le fil à couper le beurre, la mécanique quantique, la pénicilline ou les derniers quatuors de Beethoven. Il existe dans l'homme d'autres pans de son être, complémentaires mais inaccessibles à ces pratiques introspectives, et qui méritent aussi l'effort d'être cultivées. C'est là que se situe, en dépit de limites connues, la force de notre civilisation.
Soyons d'abord reconnaissants à l'auteur de son effort de distinction nettement affirmé entre le bonheur, un état de plénitude positive durable, et le plaisir par essence fugitif et dont l'aspiration au retour provoque un risque de dépendance négative. Ce dont il fait ici le plaidoyer est le bonheur profond, la 'soukha' bouddhique. Il serait difficile de ne pas être en ligne avec cette proposition ; il est beaucoup moins facile d'approuver la phrase suivante, page 302 : 'Pour que l'éthique reste humaine elle doit refléter l'aspiration la plus profonde de tout être vivant, celle de l'homme comme de l'animal, à savoir : connaître le bien-être et éviter la souffrance'. Je suis profondément convaincu que cette aspiration n'est que secondaire à une autre beaucoup plus profondément enracinée dans toutes les espèces et qui a jusqu'ici assuré notre survie au cours de l'évolution : l'instinct de reproduction, de protection et d'éducation des petits et pour quoi le bonheur est sans doute un accessoire utile. Cela change un peu la perspective et les priorités.
Autre désaccord de fond, celui qui m'envahit à la lecture du chapitre 18, éloge de l'ermite et mépris des activité économiques. Cela peut être un choix personnel, mais en aucun cas un exemple. C'est cracher dans la soupe qu'oublier ce que la lente construction des économies dans nos civilisations a apporté aux hommes.
En dépit de ces quelques divergences, il est vrai que la construction de sa propre personne est une tâche importante et que les propositions de ce livre méritent toute notre attention. Citons par exemple :
- le danger de laisser filer ses pulsion 'naturelles' p. 39
- le plaisir est un bien tant qu'il n'entraîne pas de dépendance p. 45
- ce ne sont pas les choses elles-mêmes, mais la vision qu'en a notre esprit qui fait mal p. 54
- le bonheur se gagne ; c'est un entraînement de l'esprit p. 40 et 68
- l'attachement est cause de souffrance p.96
- le moi est une idée, cause de nombreuses impasses chap. 7
- devant les émotions négatives (comme la haine) utiliser des antidotes p.129
- considérer ses émotions comme des vagues qui vont et viennent p. 134
- être libre c'est être d'abord maître de soi même p. 158
- l'altruisme est une source de bonheur chap. 13
- l'incapacité à gérer ses pensées est la cause majeure du mal-être p.231
- l'homme peut, par son effort modifier le fonctionnement de son cerveau chap. 21
Ajoutons à cela de nombreuses remarques intelligentes et certainement utiles à tous ceux qui savent que le bonheur est en soi et que sa culture vaut bien un effort.
Mais n'oublions pas que la seule recherche du nirvana n'aurait pas permis à l'homme d'inventer le fil à couper le beurre, la mécanique quantique, la pénicilline ou les derniers quatuors de Beethoven. Il existe dans l'homme d'autres pans de son être, complémentaires mais inaccessibles à ces pratiques introspectives, et qui méritent aussi l'effort d'être cultivées. C'est là que se situe, en dépit de limites connues, la force de notre civilisation.
Editions Nil (2003) - 360 pages