Marlowe eut une vie brève et, semble-t-il, agitée en Angleterre, de 1564 à 1593. Ses activités spéciales (espion, dit on) et ses comportements répréhensibles à son époque (athée, homosexuel à l'occasion, sorcier peut-être...), ne le privèrent pas d'un succès éclatant comme auteur de théâtre, suivi de près par son contemporain Shakespeare. Est-ce un peu sa vie qu'il nous rapporte lorsqu'il décrit celle du bon Faust ? Non, bien sûr, et pourtant...
On discutera des influences littéraires qui ont pu l'amener à ce livre paru en 1593 : le Faust historique, le livre de Faust, traduction anglaise de l'allemand en 1588, les bouffonneries des "moralités médiévales" des siècles précédents et les éléments de folklore populaire. Ce livre présente néanmoins une belle unité, articulée autour de 3 pôles : le doute de Faust, sa vie débridée et sa repentance à l'approche de la fin de son contrat de 24 ans avec Mephisto. Le style est vif, agréable et se lit sans ennui. Pour tout commentaire, je me contenterai de trois remarques :
- Ce livre reste une apologie de la vie juste du chrétien soumis aux "lois" divines. Faust est saisi d'effroi devant sa liberté et tout usage qu'il en fait hors des préceptes de l'église est une infamie. Il le sait, il en souffre et tremble devant la punition de l'enfer. Il n'envisage pas un instant pouvoir user intelligemment de cette liberté qui ne s'affirme encore qu'en opposition à l'église. Pouvait-il en être autrement à la fin du 16ème siècle ?
- Et pourtant, Marlowe sent bien que cette liberté de l'homme est en train de naître, que Dieu et l'église lui mentent, au moins par omission et que le monde ne se résume pas à la révélation. C'est le drame, la tragédie, des hommes de cette époque, déchirés entre ce qu'on leur présente comme la seule voie du bien et l'irrésistible appel d'autres vérités qui commencent à poindre.
- Quant aux effroyables événements de la "vie condamnable et de la mort méritée du Docteur Faust", on reste confondus par leur innocence : des farces à nos yeux, des jeux de guignols qui bâtonne et qui plaisante, et quelques sauteries de collégiens. Serions-nous tous devenus sujets consentants de Méphisto ?
Éditions GF Flammarion bilingue 875 (1997)