HvH (mort en 1929) a écrit ce roman avec beaucoup de mal, et ne l'a pas terminé. Le pouvait-il d'ailleurs ?
Tout ici est confusion, déroute, voies sans issue. La structure même (forme du Bildungsroman selon le Wilhelm Meister de Goethe), l'amas de notes prises pour le préparer, les caractères au contour flou, l'espace d'une Venise flottante, tout, absolument tout s'enroule et se déroule sur soi-même sans aboutir.
Ce roman, commencé avant la guerre ne réussit pas à enjamber cette effroyable époque. Tout y est échec : l'affection l'amour, la vie sociale, l'homme. Un monde est mort avec les tranchées que HvH ne surmonte pas. Solitude, illusions, visions creuses, Andreas se perd où qu'il aille, quoi qu'il fasse.
C'est la fin, un peu pitoyable, du romantisme qui n'est remplacé par rien ; c'est la souffrance de l'Allemagne privée de ses anciens mythes, à qui il faudra la purge nazie pour les enterrer pour de bon. Comment pouvait se construire Weimar avec de tels intellectuels ? Relisons à ce propos "Le suicide d'une république : Weimar" de P. Gay ; tout y est.
Un étrange et fascinant roman qui nous aide à comprndre les convulsions de notre grand voisin.
Éditions Folio bilingue 41 (1994)