Un livre noir, très noir, sans jeu de mot...
Rien ne trouve grâce, rien ne laisse le plus mince filet d'espoir aux yeux de Kourouma. Aucune des motivations des hommes ne trouve son chemin en face de la bestialité sauvage de ceux qui atteignent le pouvoir ou de la bestialité stupide de ceux qui en sont privés. Plus d'amitié ou d'amour, plus de solidarité, plus même d'interêt bien compris. Rien, plus rien ; la tradition est dévoyée, la société n'est que terrain du crime, l'homme n'est qu'avidité.
Alors Kourouma hurle à pleins poumons sa dérision ironique et sarcastique où tous et toutes sombrent dans son apocalypse de la pourriture. C'est drôle au commencement, long et sédatif à la fin. Il faut se forcer pour aller au bout de ce massacre. Ce casse-nègres aurait été écrit par un blanc, il aurait été politiquement correct de s'indigner...
Mais tout cela sonne faux, et relève de ce besoin de plaire par l'outrance et le cynisme. Oui, Kourouma connait bien l'Afrique, ses Sociétés de chasseurs traditionnelles, ses coutumes, le rôle éminant du verbe comme ciment de la société, et c'est là l'interêt du livre. Mais il se trompe, le nez collé à la merde, ce qui lui donne l'impression que tout sent mauvais. Il ne sait pas qu'il y a une vie au delà des chiottes. L'Afrique a besoin certes d'être mise en face de ses erreurs, dont elle est en partie seulement responsable ; mais elle attend du talent de ses écrivains un peu plus qu'une simple dénonciation complaisante, même si ils en retirent des prix littéraires.
Éditions Points Seuil (1998)