La littérature japonaise recèle une richesse infinie, et je souhaite à tous de la découvrir un jour. Ses romans du 19 et 20 ième siècles, issus du terrible boulversement qu'a représenté pour cette société jusqu'ici fermée le passage à l'occidentalisation de l'ère Meiji, sont nombreux, sensibles, parfaitement lisibles pour nous. Ils nous rappellent (est-ce nécessaire ?) que les hommes, aussi différents qu'ils se disent où nous sont présentés, sont animés par les mêmes moteurs, les mêmes désirs et utilisent dans les mêmes buts les mêmes startagèmes, les mêmes mensonges et les mêmes expédients. L'auteur, Nagai Kafû (1879 - 1959) est un de ces auteurs de talent. Il a écrit ce livre en 1918 (Okame zasa).
Nous assistons ici à l'ascension sociale d'un peintre raté qui sait se rendre utile jusqu'à devenir, entre de multiples fonctions "de service", financier d'une maison de geishas. Ne dévoilons pas une intrigue amusante, et soyons surtout attentifs au sourire permanent du narrateur qui nous livre des personnages bien croqués, du fils de famille fainéant et jouisseur à la geisha à la cervelle légère en passant par un vieux notable véreux sans oublier notre anti-héros, souple comme un serpent. C'est toute la vie et les comportements des habitants de ce Japon en voie de décomposition qui nous sont exposés là, avec humour et douceur. Le style est direct, léger et tout cela se lit avec gourmandise. Bon appétit !
Éditions Philippe Picquier (1992)