L'humanité s'est toujours posé les questions, non seulement de son origine, mais aussi de la nature et du contenu de l'espace où nous vivons. Ce livre très réussi fait le point sur l'histoire de nos connaissances en astrophysique et présente les pistes que suit la communauté scientifique pour aller plus loin. Sujet difficile et passionnant, bien souvent à la limite de la méthode scientifique, car l'expérimentation rencontre de sévères limites ! Sujet riche aussi, parce qu'il pose la question de la limite de notre savoir qui est la seule défense sérieuse contre les charlatans du spirituel. Une remarque, cependant : l'accès à ce livre suppose une certaine culture scientifique sans laquelle sa lecture serait vite un voyage dans le brouillard. Mais quelle récompense pour celui qui s'y attelle !
Notons d'abord le rôle déterminant qu'a eu sur la pensée sous toutes ses formes la découverte de la loi de Newton. Les forces les plus obscures du monde céleste cédaient la place à une explication, une formule, qui permettait des prévisions que l'on pouvait vérifier. Les Dieux capricieux et imprévisibles en prenaient un coup. L'humanité venait d'entrer dans l'ère des lumières et par conséquent dans une ère de responsabilité accrue. Si l'homme peut prévoir, il doit prévoir...
Une hypothèse fascinante allait suivre, celle de la matière noire, c'est-à-dire celle que l'on ne voit pas, mais dont la présence est indispensable pour assurer dans nos calculs la cohésion des amas de galaxies que l'on observe. Et il en faut 6 fois plus que de matière visible ! L'acharnement fut grand pour chercher l'erreur : de nombreuses voies d'étude (gravitation, relativité générale, pesage aux rayons X, etc.) conduisent toutes à la même conclusion. Dans le cadre de nos lois, elle doit bien être là et dans la même proportion, quelle que soit la méthode utilisée. Notons au passage que cela aura renforcé le principe si fécond de l'universalité de nos lois terrestres. Ce qui est vrai ici l'est partout.
Une autre énigme allait secouer le monde scientifique, celle de l'énergie noire. En effet, l'univers, dont on sait calculer les distances des objets qu'il contient, non seulement n'est ni créé immuable ni stable, mais est en expansion et depuis quelque temps (6,2 milliards d'années !) est en accélération. Or, ceci contredit les conséquences prévues d'un équilibre entre les forces expansives de l'explosion initiale du Big-Bang et de la gravitation qui retient tout cela ensemble. Il manquait, là aussi, quelque chose, qui fut appelé énergie noire et dont le calcul, possible, montrait qu'au total la matière visible (normale) ne représente plus que 5% de l'énergie totale de l'univers. Le livre fait un remarquable travail d'explication de ces phénomènes et de leurs mesures. Et le 14 septembre 2015, une prévision de la relativité générale était observée : les ondes gravitationnelles et ceci avec l'intensité prévue par la théorie. Alors, d'où vient cette énergie qui manque dans le cadre de nos lois (difficiles à rejeter, vu leurs succès) pour expliquer notre univers en expansion accélérée ? La mécanique quantique nous répond : l'énergie du "vide" qui, comme vous vous en doutez, a cessé de l'être depuis que cette mécanique quantique s'est imposée. Alors, lisez ce livre pour en savoir plus...
Dernière énigme, celle des trous noirs, ces objets si denses que la lumière ne peut plus en sortir. Prévus par la relativité générale, ils ont été mis en évidence par leurs effets gravitationnels. Et leur étude a révélé leur formation (il y a plusieurs voies possibles) mais surtout leur rôle dans la grande danse de l'univers. Certains rêvaient même d'y trouver la nature de la matière noire, hypothèse aujourd'hui mal en point. Le livre nous fait aussi percevoir le rôle et le fonctionnement des quasars, à la fois destructeurs et créateurs d'étoiles !
Suit une réflexion passionnante, face à cette accumulation de découvertes d'objets cosmologiques, découvertes qui ne s'expliquent pas bien dans le cadre de notre représentation actuelle du monde que sont nos théories physiques de la relativité générale et la mécanique quantique, encore mal articulées entre elles. L'auteur, à la suite d'une expérience personnelle, mesure le poids des habitudes de pensée et l'entrave qu'elles créent dans le processus de pensée des chercheurs. Alors, il propose 5 "illusions" à dépasser pour aller plus loin.
Une remarque personnelle, pour conclure. Et s'il existait une 6e illusion : celle que l'homme peut continuer , sans évolution profonde de ses moyens, à avancer dans sa représentation conceptuelle du monde ? Depuis 100 ans, nous stagnons. Notre représentation de l'univers repose sur la relativité générale et sur la mécanique quantique, qui ont 100 ans. Certes, nos techniques ont évolué. Notre vision fondamentale, fort peu et rencontre des obstacles considérables, dont certains insurmontables par essence. Alors ?
Odile Jacob (2016) - 205 pages