Ce livre est un essai de dialogue entre un astrophysicien et un moine bouddhiste d'origine européenne sur le savoir scientifique et son impact humain.
Il m'a vivement intéressé, par plusieurs aspects :
- Il y a toujours un moment dans la compréhension de la nature par la science où des hypothèses non scientifiques, extérieures, doivent être ajoutées. Ici, la tentative est intéressante d'essayer de le faire avec des méthodes bouddhistes, ne faisant appel à aucun dieu.
- Les deux bases du bouddhisme, l'impermanence ou non-existence des phénomènes, et leur constitutive interdépendance, sont en remarquable accord conceptuel avec les représentations utiles à la physique contemporaine : relations d'incertitude quantiques, échanges de nombres quantiques lors des interactions de particules, etc.
- Le livre présente un débat approfondi sur la "réalité" des mathématiques : l'homme les découvre-t-il ou ne sont-elles au contraire qu'un produit de son intellect, utiles à lui seul ? La seconde hypothèse sort renforcée.
- Il pose bien le problème de la responsabilité du scientifique qui ne peut pas se laver les mains de l'usage fait de son travail. Le savoir ne produisant, hélas, pas la sagesse, il faut donc la rechercher autrement. Or, ceci notre société l'ignore, fabricante de barbarie.
- Il faut bien aussi convenir qu'en revanche le sage bouddhique, livré à lui-même n'aurait pas découvert l'ouvre-boîtes !
Ce livre est donc une invitation à compléter ce que nous savons si bien faire, comprendre et apprendre, par une autre voie de développement. Ici, c'est bien évidemment la voie bouddhique que proposent les auteurs. La réciproque serait, à mon avis, aussi recommandable. La formation scientifique de M. Ricard lui donne du poids dans le débat.
Ce livre passionnant (au moins pour moi qui en comprends le contenu scientifique, et en partie le bouddhique) laisse cependant dans l'ombre la question sans réponse du fossé qui sépare ceux "qui savent" de la masse qui ignore et continuera d'ignorer, avec les conséquences sociales et économiques de ce fait. L'échelle du savoir est un facteur de division des hommes. Quelles seraient les voies d'investigation possibles ? Celle de E. Jünger, par exemple ?
Livre difficile, mais qui fait réfléchir.
Editions Fayard/Nil, 2000