Ce livre raconte une aventure mouvementée de notre monde actuel, que le titre résume parfaitement. L'hybris individualiste laisserait-elle espérer que nous puissions par notre génie propre "inventer nos vies", comme Sam, le héros prédateur de ce roman, ou Samuel l'écrivain qui croit pouvoir créer en se coupant du monde ? Et, à l'inverse, que dire de ces femmes qui ont cru qu'elles n'existeraient qu' à travers le mâle ? Non, nous n'existons qu'en équilibre entre nous et les autres, comme cette histoire nous le rappelle. Que serait devenu Sam sans l'amitié touchante de Pierre ? Un livre qui pose de vraies questions, tout en offrant une intrigue solide et captivante qu'on ne lâche pas en chemin.
 
Passons vite sur quelques longueurs, particulièrement au centre du livre, qui à mon avis, auraient pu être évitées. Elles n'entravent pas le fil du récit ni sa verdeur. Une page tournée appelle la suivante. L'auteur appliquerait-il cependant quelques recettes littéraires conventionnelles ? Pourquoi pas ; ça marche ! Le style est coulant, les chapitres en général brefs, le déroulement chronologique. L'entrelacs des situations ne joue pas au labyrinthe, nous nous connectons vite aux destins et à leurs échos dans le temps et l'espace. Le résultat est une fresque agréable à lire et qui touche avec habileté à cette illusion de l'individualisme exacerbé dont nos sociétés souffrent.
 
Un autre atout de ce roman est la connaissance qu'a l'auteur du monde juif, un ingrédient majeur de cette intrigue, monde à la fois chaleureux, solide et qui assure une entraide précieuse. Sam y bâtira un temple à sa gloire dont il découvrira néanmoins la fragilité des bases dans la tempête, car construites sur un mensonge et le mépris des autres.
 
D'autres vies dans d'autres mondes constituent la trame du récit et sont abordées ici avec autant de précision et de crédibilité. Nina, Nawel ou François, par exemple, sont portés par leurs propres flux d'événements, de passions ou de désillusions et nous les accompagnons avec émotion, même si quelques traits excessifs embarrassent parfois leurs personnages.
 
Un excellent roman, en phase avec notre temps, pondéré et agréable. Quelques belles heures de lecture.
 
Le livre de poche 33454 (2013), 500 pages