Un bon roman, mais avec une réserve. Un présentateur vedette de télévision s'accroche à son poste, son miroir embellissant, malgré un âge qui monte un peu haut. C'est un homme de cœur, on le verra, mais aussi un combattant sans pitié. Belle plongée dans un univers mal connu. Mais l'événement majeur du roman est autre. Un attouchement commis par son fils va se trouver requalifié en viol et donner lieu à un procès dont le livre détaille le déroulement. Mais qu'est-ce qu'un viol ? Ce livre aide à comprendre cette question autant que le dangereux concept de consentement. Mais il reste muet, comme l'est le procès, sur ce qui aurait pu éviter ce drame.
 
L'auteur a beaucoup de talent pour explorer des situations juridiques complexes, comme celle-ci, sans demander au lecteur plus d'efforts qu'un roman ne le doit. Et, bien que romancée, l'intrigue nous fait vivre une affaire criminelle qui a tous les attributs de la réalité. Notre attention est captivée et notre propre jugement des faits exposés se forme au cours de la lecture, sans que l'auteur force abusivement notre perception. J'apprécie.
 
Le récit montre bien la difficulté à établir les faits dans de tels cas, faits qui constituent la base d'une justice équitable. Les partenaires ne peuvent pas non plus se réconcilier. Alors, parole contre parole, qui faut-il croire ? La pression morale et médiatique actuelle, favorable aux femmes, n'aide pas non plus à la sérénité. Quant aux témoins, leur présence même les disqualifie presque ! Alors, comment trancher ? La tâche du tribunal, comme celle des jurés, est délicate et on apprécie la subtilité du jugement rendu.
 
Or il me semble que ce roman aurait gagné à ne pas rester silencieux sur ce qui aurait pu éviter le drame et qui pourtant, face aux faits, me paraît évident. Est-il anormal qu'un jeune homme, en particulier après une soirée pas très sobre en compagnie d'une jeune fille, sollicite ses faveurs ? Je ne le pense pas et la belle pouvait s'y attendre. Et, dans la chaleur d'un soir, comment se construit un consentement ou un refus ? La position me paraît résulter de deux forces majeures. D'abord un certain désir d'aventure et de plaisir qui s'opposera à des règles de vie plutôt rationnelles et assez faciles à transgresser, mais surtout à des dégoûts et des principes moraux profonds qui le sont beaucoup moins et qui peuvent conduire à un refus de jouer qui ne relève plus du débat. Ce fut ici sans doute le cas, mais il a manqué à la victime un outil majeur : savoir exprimer clairement son refus. Ma conviction est qu'il faut savoir dire non, quand bien même ce n'est pas simple. Mais c'est l'arme la plus efficace à laquelle l'impréparation des jeunes est une faute. Le roman aurait pu le rappeler alors qu'il est bien apparu, au cours du procès, que ce refus ferme et clair n'a jamais été prononcé.
 
Un bon roman donc, sur un sujet difficile que la rationalité n'épuise pas, rendant tout jugement fragile, sauf à sombrer dans l'idéologie. Le livre avance toujours avec prudence, même si certains détails des faits me paraissent un peu inutiles, voire racoleurs. Sa valeur se mesure cependant en laissant le lecteur affiner, face à de tels événements, sa compréhension et son jugement.
 
Gallimard (2019), 345 pages