Si vous aimez l'Inde, la musique, le rêve, la tradition juive, si vous aimez aimer, si vous aimez vous perdre pour retrouver ce que vous pourriez être et que vous êtes peut-être, lisez ce court roman. Une phrase, ici ou là, sonne parfois comme une évidence et donne un sentiment de plénitude, quand bien même elle retrouve, la page tournée, la relativité des choses de ce monde. Au fait, pourquoi relit-on si peu un livre quand on écoute cent fois un CD qu'on aime ? 
 
Un musicien virtuose, assez âgé, n'accepte plus la politique menée par Israël. Blessé au cours d'un attentat qui le prive d'un être cher, il répond à une invitation à séjourner en Inde du Sud. Exil ? Tentation, oui, vite associée à la découverte d'un univers où l'exercice de sa liberté redevient acceptable. Découverte aussi d'un sentiment de tendresse pour une jeune femme musicienne indienne qui le guide.
 
Une originalité majeure du roman est d'avoir inséré dans l'intrigue, l'existence d'une communauté juive à Cochin, qui fut même un royaume en son temps, datant du 1er millénaire. Fait historique avéré, l'existence de cette communauté donne au personnage principal le prétexte à renouer avec ses racines dont il s'est considérablement éloigné et donne à l'auteur l'occasion d'évaluer l'insertion de cette communauté dans l'univers indien. Il pose aussi la question de la préservation à travers le temps de l'unité de cette communauté qui réussit à conserver ses rituels sans se fondre totalement, sans conflits, dans le monde de l'Inde, si différent.
 
L'auteur fait preuve d'un talent réel pour nous faire partager la signature de cet univers, mélange de bruit, de couleurs, de parfums, de poussière et de rituels, souvent rapportés par les Occidentaux en mal de repères, comme indices d'une profonde spiritualité. 
 
C'est aussi, ici et là, un dialogue avec la musique, celle du vieux violoniste ou bien celle, dite carnatique, de l'Inde du Sud, quand ce n'est pas celle qui monte du fond de la mémoire, constitutive d'une éducation. "Les mélodies sont des âmes qui n'ont pas trouvé de corps", dit-il. Ce qu'en font le compositeur ou l'interprète, parfois, y ressemble quand même ?
 
Tout au cours du roman, le vieil homme fait à ses rêves la part belle, rêves aussi constitutifs de sa personne que ses pensées. Ajoutons à cela une très belle langue et souscrivons sans réserve au jugement de la 2e de couverture : "un roman somptueux".
 
Zulma (2017), 180 pages