Ce livre magnifique est celui d'une vie, d'une vie qui a échappé de peu à l'anéantissement. Ce récit n'est pas un roman, mais plutôt un journal ; ce qui y est écrit a été vécu et autant l'horreur que la beauté, le désespoir et l'espérance envers et contre tout, exigeaient d'être couchés sur le papier. Témoigner pour que l'oubli ne recouvre pas tout, mais aussi pour soi, pour que le manège infernal des souvenirs ne tourne pas en rond et que les mots soignent les maux.
L'époque de l'émancipation coloniale, ici l'Indonésie et les Pays-Bas, a été, sauf exception, dramatique. Un drame pour des coloniaux, parfois implantés de très longue date et se sentant, à tort sans doute, membres de la communauté. Ils y ont perdu leurs biens, des proches et souvent aussi le sens de leur vie. Quant aux autochtones, l'usage de la violence, qu'ils ne pouvaient pas éviter, a laissé chez eux des blessures interminables qui subsistent encore aujourd'hui, plus de 50 ans plus tard.
Sonia, qui est en fait l'auteur qui raconte sa jeunesse, a vécu cela. Elle a échappé de peu aux massacres perpétrés par les indépendantistes indonésiens, ivres de cette violence raciste qui façonnait leur liberté en 1945. Elle venait tout juste de sortir d'un camp d'extermination japonais où elle avait passé 2 ans et demi dans les conditions qu'elle décrit avec sobriété et sans haine. Cela rappelle "Si c'est un homme" de Primo Levi, et sa sobriété face à la faim, l'épuisement, la promiscuité, l'humiliation, la saleté et la mort. Cela évoque aussi cette force d'âme qui en aide certains à tenir !
Sonia, qui est en fait l'auteur qui raconte sa jeunesse, a vécu cela. Elle a échappé de peu aux massacres perpétrés par les indépendantistes indonésiens, ivres de cette violence raciste qui façonnait leur liberté en 1945. Elle venait tout juste de sortir d'un camp d'extermination japonais où elle avait passé 2 ans et demi dans les conditions qu'elle décrit avec sobriété et sans haine. Cela rappelle "Si c'est un homme" de Primo Levi, et sa sobriété face à la faim, l'épuisement, la promiscuité, l'humiliation, la saleté et la mort. Cela évoque aussi cette force d'âme qui en aide certains à tenir !
Ce récit touche souvent notre sensibilité, parce que c'est la vie à vif qui y est évoquée au cours de ces deux épopées. Celle qui souffre, mais veut encore rire, danser, s'extasier sur la beauté des étoiles et espérer au cœur de cette nuit inexplicable de l'horreur, que des hommes infligent à d'autres. Nos indignations de repus assistés y sont remises à leur place. Une grande plongée dans deux univers que nous ne voudrions plus jamais connaître.
Au-delà de ces tranches d'histoire effroyables, ce texte est aussi le beau récit d'un monde disparu, dont les valeurs en grande partie fondées sur la terre, évoque l'Europe préindustrielle avec ses inégalités sociales béantes que le 19e siècle a tenté de faire disparaître. Il y réussira en partie pour les valeurs, qui ne sont plus celles de la terre, mais échouera à supprimer les inégalités, même si celles-ci se sont considérablement réduites, au moins au plan matériel. Un grand livre.
Kergour (1999), 222 pages