Le titre, un peu provocant, ne couvre pas bien le sujet de cet excellent document. Le sujet est plutôt l'exercice des fonctions de sécurité intérieure qu'un État doit à ses citoyens. Existe-t-il pire inégalité que celle qui sépare un délinquant violent de sa victime innocente ? Quelle protection apporte alors l'État contre cette violence due à la délinquance ordinaire, au fanatisme religieux ou politique ? Les questions en relation sont multiples : les lois de la République sont-elles suffisantes et bien appliquées ? Police et justice, les outils majeurs de l'application du droit, ont-ils les directives, les moyens et la volonté d'agir ? Le constat des chapitres 1 à 7 est celui d'un abandon depuis plusieurs décennies de toute rigueur dans l'exercice de ces fonctions régaliennes. Les chapitres 8 à 14 proposent des voies de reprise en main, fondées sur l'expérience de l'auteur, avocat très impliqué dans la défense des victimes de violences, et sur le bon sens. Sa proposition est simple : rétablir une ferme autorité du droit de la République.
Peut-être le lecteur pourrait-il faire avant toute chose une lecture rapide du chapitre 13 qui quantifie cette déshérence sur deux points. Le premier est le fait que pour 67 millions de Français, il y a 84 millions de No INSEE ouverts et actifs ! La fraude est estimée entre 10 et 30 milliards d'euros, soit environ 1% du PIB. Ce sujet n'est jamais abordé sérieusement, ni par la presse ni par l'administration qui semble peu active. Le second est la part de ce PIB consacrée à la sécurité intérieure (police et justice), qui était de 6% en 1960 pour n'être plus que de 3% maintenant. Cela signe les priorités, quand les conditions de sécurité, de 1960 à aujourd'hui, se sont considérablement dégradées. Quelle confiance les citoyens peuvent-ils conserver pour un patron qui ne fait pas le job ?
Les sujets du constat fait au début du livre sont convaincants. Des forces de l'ordre sommées de laisser les casseurs casser, des frontières qui sont des passoires, une sous-estimation de la nocivité islamiste, une justice qui a peur du droit, une ultragauche qui renoue avec la violence, etc. Il ne s'agit pas là d'opinions, mais de faits que le livre rapporte, sans fièvre. L'expérience à la fois personnelle et publique de l'auteur apporte beaucoup à ce constat très préoccupant, où le lecteur ne manquera pas de découvrir bien des "failles de sécurité", comme on l'écrit de nos jours.
Les 7 chapitres suivants sont des propositions de l'auteur, propositions déjà transmises aux instances gouvernementales, mais présentées ici aux citoyens que nous sommes. Elles sont pour l'ensemble faciles à comprendre, même si certaines, en raison de la spécialité de l'auteur, sont plus techniques. Elles supposent un à priori qui est la volonté du corps social de réapprendre à se défendre, à "réarmer les corps et les esprits". Je suis persuadé que cette attente est implicite et est une partie du malaise actuel, comme le montre l'article du journal "Les Echos" du 25/07/2022 ci-dessous. Encore faudrait-il une volonté politique et des dirigeants résolus à autre chose qu'à distribuer des bonbons en prévision de leur réélection. Je doute aussi de la capacité de l'école actuelle d'assumer le rôle essentiel que lui assigne l'auteur.
Un livre utile et fort, parfois un peu technique, mais qui met le doigt sur une plaie qui peut encore être soignée avant de devenir une septicémie qui dissolve progressivement le corps social.
L'Observatoire (2020), 304 pages
Les Echos, 25 juillet 2022