Si la musique classique, ses artistes, ses compositeurs, ses luthiers, ses spécialistes universitaires, ses mécènes vous intéressent, alors ce roman policier vous passionnera, qui tourne autour de la partition d'une sonate, découverte par hasard (?) et qui pourrait bien être la 556e. de Domenico Scarlatti. Les passions humaines, déclenchées par cette découverte, sont des moteurs puissants qui vont bouleverser des destins ! Le désir explose, désir de notoriété, de possession, d'enrichissement, de sexe, d'accomplissement. Quel imbroglio ! La vie, n'est-ce pas ?
 
Ce grand remue-ménage est cependant traité de manière calme, raisonnable, par l'auteur. Pas de deus ex machina invraisemblable, mais un déroulement tranquille de faits que le dénouement expliquera sans qu'il faille prendre des notes pour le comprendre. Est-ce que, pour autant, les actes commis sont en adéquation avec les causes qui leur sont attribuées ? Il me semble que la vraisemblance est malmenée. Mais c'est bien agréable d'y croire.
 
L'auteur a une bonne connaissance de l'univers des musiciens et ses récits m'ont souvent touché. On ignore parfois la volonté et le courage des instrumentistes pour atteindre cette sorte de perfection d'exécution, doublée d'une capacité à la rendre plus vraie, plus intense, plus sensible que les nombreux autres exécutants des pièces jouées. Quand le miracle se produit et que le public du concert y est sensible, l'émotion est à son comble, ce que l'auteur transcrit remarquablement ici. Bien entendu, l'interprétation musicale ne se résume pas à ces moments d'exception !
 
Le livre est aussi l'occasion de découvrir la tâche des ébénistes et des luthiers dont le métier contribue fortement au plaisir de jouer, en proposant des instruments qui transcrivent bien les attentes des interprètes. Là aussi, l'auteur nous fait sentir et apprécier cet artisanat où les cinq sens sont en éveil.
 
Tous les personnages du roman sont, en dépit de leur complexité, parfaitement humains et crédibles, mis en action par une intrigue solide. Il y a même parfois un humour piquant qui perce. Je pense, par exemple au docte universitaire qui rate tout ou presque, empêtré dans son égo survitaminé. Chaque personnage, avec ses joies et ses souffrances, ses compétences et ses limites, révélera dans cette crise ce qu'il est vraiment, quand ses garde-fous ou ses béquilles lui font défaut. Un roman remarquable qui, en dépit de sa taille, se lit d'une traite.
 
Arléa (2022), 450 pages