Peu de livres sont aussi durs que celui-ci. Mais d'une dureté qui magnifie en même temps ce qu'il peut y avoir de grand chez l'être humain, quand il ne livre pas à ses rêves de puissance, de violence, de domination. Une petite fille, Maria, née infirme dans le monde en bouleversement de la révolution russe, trouve la mort en se sacrifiant pour des orphelins dans l'hiver glacial de Leningrad, lors de l'invasion allemande de 1941. Une vie terrible, mais sans doute pleine de moments heureux, parce qu'utile au cœur de cette dureté effrayante.
 
Ce livre est un long poème célébrant la nature et la vie et tout particulièrement la solidarité des êtres simples vivant dans un monde déchiré, où cette solidarité est pour les plus faibles une condition de survie. Révolutions, guerres, famines (celles de Staline en particulier) s'enchaînent et font peser la menace vitale sur ceux qui, au jour le jour, survivent du produit de leurs mains et de leur habileté. J'ai particulièrement admiré l'enseignement simple de Serafima qui apprend à Maria, sa filleule, à assurer sa survie, seule, face à la faim, au froid, à la fatigue et à nourrir en même temps son esprit des beautés de la vie et du monde.
 
Ce livre est le récit du destin de Maria. Il se partage en deux périodes, l'une racontant l'enfance et l'éducation de Maria abandonnée de tous sauf de sa marraine et l'autre les années où Maria, à son tour, va aider avec sa volonté et son cœur immense ceux qu'elle rencontrera, jusqu'à y sacrifier sa propre vie. On ne peut que s'attacher à ce personnage exceptionnel d'une petite femme, simple et juste, que l'on rêve de rencontrer.
 
Le roman vaut aussi par son écriture singulière. Phrases brèves, elliptiques parfois, interrompues dans leur déroulement, mais qui atteignent toujours leur cible. De plus, une vraie poésie se dégage des descriptions de ces paysages de la Russie du Nord et particulièrement de la neige qui la recouvre une grande partie de l'année et dans laquelle en fin de compte Maria perdra son chemin. Un très beau livre, touchant et humain.
 
Payot Rivages (2021), 287 pages