Une histoire bien chahutée
 
Voici un livre sur l'effet des variations climatiques et volcaniques historiques sur l'homme, à la fois foisonnant et donc pas toujours facile à suivre, mais en même temps passionnant par les informations qu'il contient. En effet, les analyses historiques ignorent parfois le rôle que les variations naturelles (température, humidité, hauteur des mers, volcans, etc.) et leurs conséquences ont eu sur les migrations humaines et sur les trajectoires des civilisations. Et, si cela peut nous rassurer en ces temps d'hystérie climatique, ce sont les refroidissements et la sécheresse induite qui ont causé les dégâts les plus graves, qu'ils soient d'origine climatique ou volcanique !
 
Le livre rappelle plusieurs fois un point essentiel qui est que les événements majeurs dépendent d'une conjonction de causes et non d'une seule. Sauf dans certains cas cataclysmiques que l'histoire humaine n'a pas encore connus ( à l'opposé des dinosaures !), les causes sont multiples et se renforcent souvent entre elles, rendant leur analyse difficile. Les exemples sont nombreux dans l'histoire récente, où le climat, favorable ou défavorable, a joué un rôle éminent. Mentionnons, par exemple, le refuge dans les grottes Chauvet et Lascaux à des périodes froides et l'éclosion des peintures pariétales, la civilisation romaine née sous un optimum climatique ( comme en ce moment) et disparue sous un climat défavorable et des épidémies, comme l'a si bien décrit le livre "Comment l'Empire romain s'est effondré" de Kyle Harper, ou encore l'optimum climatique du moyen âge qui a favorisé la richesse agricole et les surplus qui ont permis de construire les cathédrales avant le refroidissement et la sécheresse du 14e siècle et les pestes ou les invasions induites, pour ne citer que ceux-là relativement bien connus.
 
Ce livre est d'une richesse considérable et va nous conduire dans les civilisations mexicaines préhispaniques, chez les Khmers à la chute d'Angkor, chez les Vikings, en Amérique, en Chine des Songs puis des Mings, en Europe des 18 et 19e siècles ou en Amérique du 20e. Certainement, la cause climatique n'est pas unique, mais elle est essentielle dans le déroulement des faits et elle est trop souvent négligée dans les explications historiques. Et, dans son chapitre 21, le livre rappelle que nous sommes dans une période optimale interglaciaire, mais que, comme ce fut le cas en 1956 et 1957, le froid et les épidémies menacent de revenir un jour ! Il rappelle aussi, d'ailleurs, que la climatologie ne dispose que d'un savoir limité face à la multiplicité des facteurs en jeu et leurs liens croisés. Que vaut le refuge actuel dans des modèles informatiques cache-misères, dont on sait combien les résultats sont fragiles et influençables ? Pas grand-chose à attendre de ce simulacre de science, sans doute. Or, cela nous coûte très cher et nous rend un peu désorientés. Souvenons-nous que l'histoire de la terre a connu des écarts très rapides de température de plus de 10°, des variations du niveau des mers de 120 m, des taux de CO² aux variations considérables et que nous sommes dans un optimum climatique ! "La prévision est difficile, surtout lorsqu'elle concerne l'avenir", disait Pierre Dac.
 
Merci donc à ce livre d'avoir mis le doigt sur un facteur essentiel de l'évolution de nos civilisations avec la prudence voulue. Son propos aurait été plus percutant s'il avait en même temps travaillé sur sa présentation trop foisonnante à mon goût et qui aurait eu besoin de synthèses ponctuelles et de tableaux et graphiques nous évitant de nous perdre dans les dates, les périodes, les niveaux, les températures, etc. De même, la fantaisie de ramener l'origine des dates à Socrate plutôt qu'à JC est amusante, mais un peu inutile. Mais ne gâchons pas notre plaisir ; cet essai est utile et passionnant.
 
La Cité (2022), 350 pages