Comment Poutine fait la guerre à nos démocraties

Cet essai, construit avec des propos vigoureux et bien étayés par des faits, a pour objectif de nous faire percevoir que la manipulation de l'information à objectif stratégique est une forme de guerre particulièrement efficace de nos jours en raison des multiples canaux de diffusion sans contrôle et sans éthique professionnelle, canaux qui remplacent peu à peu à ceux qui jusqu'ici étaient supposés en avoir une, la presse et l'écrit. À cela s'ajoute la corruption de dirigeants (ou ex-dirigeants), afin de provoquer des décisions favorables à la vision stratégique de l'ennemi. Plusieurs cas sont traités ici, mais essentiellement celui de la Russie qui se dresse contre l'Occident et surtout l'Europe. Les détails précis et documentés fournis sur les circonstances des prédations que nous avons subies jettent sur certains dirigeants occidentaux un éclairage particulièrement affligeant, mais montrent aussi que le fonctionnement actuel de la justice n'a pas les moyens d'enrayer ce mal.
 
La lecture du livre fournira les détails nécessaires, mais pour éclairer cette présentation rapide, prenons l'exemple de l'Allemagne que la Russie a rendue dépendante, addicte même, au gaz russe jusqu'à confier à la Russie la gestion de ses stocks ! Tous s'accordent maintenant à reconnaître la dangerosité de cette stratégie et pourtant elle a été menée jusqu'à la déconfiture actuelle par des dirigeants dont la moyenne est pourtant de très haute qualité. Alors, que s'est-il passé ? Plusieurs actions ont été menées par la Russie qui a d'abord contribué à déconsidérer l'énergie nucléaire avec de beaux principes, mais surtout en soutenant l'écologie militante antinucléaire et en activant des campagnes de dénigrement de ces techniques. Mais surtout, elle a corrompu l'ancien chancelier allemand Gerhardt Schröder qui disposant d'un réseau puissant au sommet du pouvoir allemand a imposé, moyennant prébendes et postes rémunérateurs dans les entreprises d'énergie russes, non pas un, mais deux gazoducs (dont il est aussi le président), fournissant à l'Allemagne une énergie bon marché en même temps, hélas, que les liens de sa servitude. Il n'a pas été sérieusement inquiété ; un pied de nez à notre État de droit.
 
Le livre apporte sur ce cas et les nombreux autres des références indiscutables qui montrent notre vulnérabilité quand des idées ou des hommes corrompus, méprisant l'intérêt général, travaillant à la limite de la légalité sévissent (M Schröder n'a rien fait d'absolument illégal ! ). Cela montre combien notre législation et les outils de son respect sont inadaptés à cette évolution de la guerre et combien il est urgent de les réformer. À la différence de la Russie où les décisions du chef autocrate sont la loi, nos pays tirent les fondements de leur action de la loi que la justice fait respecter. Face à cette guerre, nous sommes vulnérables, car notre loi est incomplète dans ce domaine et la réaction de la justice est longue et ne semble pas avoir compris que ce sont des actions de guerre et non une justice paisible de temps de paix qui est en jeu. Sans la réaction vigoureuse que réclame l'auteur du livre, nous ne pouvons que perdre.
 
Je voudrais profiter de cette fiche pour apporter un point de vue personnel en liaison avec les propos de ce livre. Si j'étais membre de cette confrérie d'États qui affirment vouloir détruire l'Occident parce qu'ils n'acceptent pas la démocratie et la prééminence de la loi des représentants du peuple, que ferais-je pour cela ? La voie de la guerre par la force, comme celle qui a lieu en Ukraine est perdue d'avance face à l'Occident techniquement et militairement puissant. C'est donc sur ce qui fait la force spécifique de cet Occident que j'agirais, son économie. Je commencerais par développer une idéologie apocalyptique ayant quelques fondements apparemment vraisemblables, dont j'inonderais les canaux d'informations disponibles. Je ne manquerais pas non plus de corrompre des hommes et des institutions capables d'accompagner ma stratégie et d'en vanter le bien-fondé "scientifique" et moral. Je développerais une théorie fumeuse basée sur des modèles démontrant (sic) que nous pouvons faire face à cette apocalypse en procédant à des investissements majeurs (hélas totalement improductifs, mais cela resterait confidentiel face à la vertu éminente de la Cause) drainant les ressources des pays vers un gaspillage de celles-ci, épuisant ainsi leurs capacités économiques. J'aurais au passage l'appui sans réserve des acteurs de la finance, attirés par les opérations de financement de ces investissements considérables.
Sans doute le lecteur perspicace notera -t-il là une ressemblance avec les idéologies du CO² et de la transition écologique, terriblement coûteuses, qui sont en train de nous épuiser économiquement, alors que l'histoire a toujours considéré les réchauffements comme des moments heureux et d'expansion. Qui est derrière cette rage d'investissements inutiles ? Nous aimerions le savoir. Je plains au passage l'Allemagne et ses éoliennes qui, ajoutées au drame du gaz, conduisent ce pays vers des lendemains peu réjouissants. Elle se ressaisira, mais quand ?
 
Il va sans dire que ce livre me semble devoir être lu pour nous faire réagir à cette guerre nouvelle que nous ne percevons que difficilement, la manœuvre de nos ennemis étant à bas bruit et appuyée sur nos propres faiblesses et illusions. L'auteur du livre, député européen qui préside la Commission spéciale du Parlement européen sur l'ingérence étrangère, est mieux placé que quiconque pour nous en alerter. Et, semble-t-il, il y a urgence.
 
Allary (2023), 186 pages