Ce roman sensible et poétique donne au feu un rôle de révélateur de la perception, de la lumière, du sens. Mais le feu est aussi une réaction chimique qui consomme, consume et détruit. Pile et face ne se dissocient jamais tout à fait. C'est à Venise, au début du 18e siècle que ces brasiers vont s'enflammer, dans l'intimité de l'hospice de la Pietà où de jeunes filles sont recueillies pour que Vivaldi en fasse des virtuoses. Magnifique moment de rêve au cœur de cette vie musicale si originale, que l'auteur décrit d'autant mieux qu'elle est elle-même violoniste professionnelle réputée !
 
C'est en effet d'abord la vie musicale de la Pietà que l'auteur nous convie à découvrir à travers une jeune fille que ses parents ont confiée à l'hospice à sa naissance pour en faire une virtuose. Perte de liberté, perte de l'affection des siens, solitude, voilà le lot de ces pensionnaires particulières qui recevront en échange une formation musicale d'exception. Ilaria, particulièrement douée pour la musique et en particulier le violon, va devenir l'assistante du maître Antonio Vivaldi et va même composer avec lui certaines partitions. C'est un grand plaisir de lecture que de se trouver là, dans ce lieu où s'écrit une des très belles pages de la musique italienne du 18e siècle naissant.
 
En parallèle, une intrigue se développe, construite sur l'éveil au monde d'Ilaria qui comprend vers ses 15 ans que la vie est plus complète et plus diverse que ce qu'enferment les quatre murs de la Pietà. Besoin de liberté, curiosité du contenu du monde réel, besoin d'exercer son jugement et sa volonté, besoin d'aimer, tout prépare Ilaria à transgresser la règle totalitaire de sa prison dorée. Il faudra l'amour partagé d'un jouvenceau un peu désorienté pour que son sort bascule jusqu'au feu final. Même l'exercice du talent musical devra se rétracter face aux exigences du corps ; un feu remplace l'autre, absolu et destructeur.
 
Merci à l'auteur, musicienne de talent, de nous avoir fait partager ces moments italiens et vivaldiens accompagnés d'une intrigue touchante qui fait de ce livre un roman de formation réussi. On ne peut que suivre avec émotion le destin d'Ilaria et de son amour consumé par le feu et la fièvre. Un roman à l'écriture pleine de charme, que l'on ne quitte pas jusqu'à son dénouement.
 
Grasset (2023), 224 pages