Ce roman, un peu sec, est le récit d'un crime commis par un faux médecin qui a trompé son entourage pendant 20 ans. C'est aussi un magnifique moment de méditation sur la place du mal dans l'homme et sur le rôle de ce mal dans les rapports des êtres entre eux. Car, pour certains, le mal doit être éradiqué au besoin par la violence, quand, pour d'autres, il faut construire le monde en l'acceptant comme une de ses composantes tout en le maîtrisant. C'est d'ailleurs cette dernière attitude qui caractérise la religion catholique actuelle, dont il sera souvent question dans ce livre. Un roman original.
 
Une réaction devant l'acte de tuer femme, enfants et parents, c'est de se dire que celui qui a fait ça est un poison de la société et doit être pendu haut et court. L'ouvrage relate cette réaction simple et directe d'une journaliste, Martine, qui constate que toute l'agitation autour de cet acte infâme est une révérence à l'égo du criminel qui ne mérite pas que la société entretienne de tels déviants, ni leur donne tant de place médiatique.
 
Une autre est celle de ceux qui cherchent leur rédemption en tentant de retrouver et de faire revivre une fibre humaine dans ce genre de criminel, qui au passage, avait aussi ruiné ses proches sans honte. C'est probablement plus à eux qu'ils pensent en le faisant qu'à celui qui bénéficie de cette sollicitude, comme leurs propos le montrent parfois.
 
Et que penser de la justice qui détaille publiquement, comme un film de série b, les scènes de crime et ses horreurs en les commentant ? Et qui pense pouvoir remettre en liberté sans danger un monstre que 20 ans de prison n'ont pas dû arranger beaucoup ? Il serait dans un monastère aujourd'hui ; un moindre mal.
 
Sans doute sera-t-il toujours difficile de donner au mal une place qui permet aux hommes de vivre dans une paix relative. Vouloir éradiquer le mal est absurde, car cela n'en tarit pas la source. L'homme contient en lui ce mal et parfois même en jouit. C'est donc des bornes acceptables qu'il faut trouver et mettre en place, par l'éducation qui doit pacifier la bête et par une répression mesurée. Tâche difficile et pas toujours consensuelle, car elle heurte le rêve de l'homme parfait et libre qu'il n'est pas.
 
Il n'en reste pas moins que cette histoire criminelle réelle est renversante. Un homme, pendant 20 ans, aurait affabulé sans que sa famille, ni ses proches, ni aucune administration privée ou publique ne lui mettent la tête dans son mensonge, sans que personne ne lui demande des comptes sur ses revenus ou ses détournements financiers ! Faut-il croire à cet aveuglement ? Difficile. Et si l'histoire est vraie, quelle image sinistre de la vie sociale donne-t-elle qui permet pendant 20 ans qu'aucun lien humain n'ait pu briser cette solitude dans le mensonge et l'errance, qu'aucune intimité n'ait pu franchir cet isolement. Quel étrange animal est donc l'homme !
 
Folio (2002), 219 pages