Ce livre coréen, paru en 1970, est un classique de la littérature de ce pays. Mais son intrigue est universelle, celle d'un candide cabossé, compressé jusqu'à la lie par une histoire cruelle, injuste et inhumaine. Ici, il s'agit de la déchirure de la Corée par la guerre qui l'a divisée et la divise encore. Nous pourrions, sans difficulté trouver sur notre terre européenne d'autres "Monsieur Han" dont le sort fut aussi terrible. Il est bien notre frère, même s'il vit loin de nous et de nos moeurs.
Ce roman a certainement pour nous une valeur historique, liée à la description de la société populaire coréenne, de la fin de la colonisation japonaise à sa date de parution. Une société que nous connaissons peu et dont la vie a été difficile. La guerre a presque sans prévenir, déchiré des familles, déchiré un pays. Un climat de haine et de suspicion, entretenu par les parrains du nord et du sud, conférait à tout Coréen d'un des deux blocs un statut peu enviable d'espion lorsqu'il se retrouvait dans l'autre, ne serait-ce que pour commercer ou retrouver les siens. Quant aux "Droits de l'Homme", ce concept était loin d'animer les interrogatoires des polices des deux blocs. On connaît la suite.
Le personnage principal, Monsieur Han, est un homme du Nord, professeur de gynécologie à l'Université de Pyongyang avant la guerre, mais pourtant d'une indestructible simplicité. Il ne souhaite que vivre paisiblement de son métier avec sa famille et ne soupçonne jamais la noirceur de certains hommes qu'il rencontre. La guerre va tout déchirer, tout corrompre et le séparer de ceux qu'il aime. Il sera pris dans le broyeur des hommes et des circonstances, exploité par des coquins, soupçonné par la police, dénoncé injustement et incapable de faire face à la noirceur du monde. Il est le symbole de cette profonde injustice que la Corée a vécu et vit encore.
Ce récit nous touche, comme ceux à qui un drame vécu sous leurs yeux rappelle l'impuissance à rendre leur innocence aux hommes. L'auteur aura certainement mis dans ce roman mille détails de sa vie, lui donnant ainsi une crédibilité certaine. Malgré sa brièveté, on ne sort pas indemne de ce drame universel qui nous rappelle que l'humanité n'est pas toujours à la hauteur de l'image qu'on en a.
Zulma (2010) - 133 pages