Voici un livre impressionnant, d'abord par sa taille, ensuite par la richesse de sa documentation, mais surtout par le sujet abordé, la guerre de sape des régimes démocratiques, pratiquée par ceux qui en ont peur, à savoir les régimes populistes et autoritaires de la planète. Et nous sommes à peine conscients de la violence de cette guerre de l'information à bas coût, sournoise, aux modes d'action multiples, favorisés par l'excellent principe de liberté d'expression défendu par les démocraties et broyé par leurs ennemis. Merci à ce livre de mettre le doigt sur cette guerre que nous voyons mal, mais qui nous blesse et nous divise.

 

Cette guerre est "un conflit politique mondial dont l'enjeu est notre esprit". Elle est portée par un mélange de vecteurs simultanés, dont le livre documente la vivante réalité. Citons notamment le recueil et l'usage illégal de données, la pratique de techniques de persuasion détournées de leur but, la prévarication de décideurs politiques, les cyberattaques sur les moyens de communication et les infrastructures, mais surtout un usage intensif des médias sociaux permis par internet, dont le but est d'influencer et de diviser l'opinion des démocraties. C'est en ce sens que l'on parle souvent ici de guerre de l'information, le titre du livre.

 

Ce sont, en effet, les médias sociaux qui offrent à bas coût, le support des virus nécessaires pour infecter l'opinion, comme, par exemple ce fut le cas aux USA, lors de l'élection de Trump que soutenait la Russie, comme, en France, le soutien russe au RN. Les moyens mis en œuvre sont connus, comme la création de dizaines de milliers de faux comptes pour l'injection de textes, images, sons, manipulés et mensongers, ou comme le renvoi à des sites de pure propagande, présentés comme objectifs, divisant ainsi l'opinion en donnant un écho démesuré aux thèses complotistes, par exemple. Et les démocraties tolèrent ces intrusions dont les effets les détruisent, faisant un usage paresseux et naïf de leur respect de la liberté d'expression. Les réseaux sociaux, ouvertures apparentes à cette liberté d'expression, sont devenus peu à peu des égouts où circulent sans contrôle des informations fausses. Leur maîtrise, voire leur fermeture, deviendra un jour nécessaire. La responsabilité d'un éditeur ou d'un journal nous évitait le pire. La totale impunité des réseaux sociaux, supposés simples vecteurs d'information, est un déni de réalité flagrant. Les États autoritaires l'ont bien compris !

 

Car, comme le note le livre, cette passivité est une lâcheté. Certains pays comme la Géorgie, l'Estonie, Taiwan ou l'Ukraine souffrent encore plus que nous de cette violation de la liberté d'expression et ont développé des défenses, quand nous restons pratiquement les bras croisés. Le livre propose des débuts de solutions de défense et de riposte. Mais, de quoi n'avons-nous pas peur ? Et pourtant, cette guerre est là, chevauchant sans crainte les réseaux sociaux et notre indifférence. Il y a du pain sur la planche !

 

Tallandier (2023), 477 pages