lischke musique russie
 
Ceux qui s'intéressent à la musique russe trouveront ici un panorama qui va à l'essentiel, sur la vie et l’œuvre des compositeurs russes, de 1850 à nos jours. On sent à chaque ligne la communion entre l'auteur et cette musique et on admire sa culture  dans ce domaine. Et comme je pense que le seul critère d'appartenance européen est la pratique de la musique polyphonique, j'en conclus en lisant tout cela que la Russie fait partie de l'Europe !
 
Le livre peut être lu comme un livre de référence où l'on va chercher au cas par cas des détails sur la vie d'un compositeur ou sur l'une ou l'autre de ses œuvres. Mais ce ne serait pas rendre justice à l'auteur, qui a fait là un superbe effort pour offrir en quelques pages, ou parfois moins, des synthèses sur les hommes, leur environnement, les tendances fortes du moment et bien entendu sur la production des compositeurs. On peut donc aussi y voir une remise à jour de notre compréhension de la vie musicale russe qu'on lira presque comme un roman.
 
Une donnée bien mise en évidence est le rapport mouvementé qu'a eu la Russie avec sa musique. Deux tendances se font face, la première à dominante nationale et la seconde qui prône une musique sans frontière, ouverte. Miroir de la politique ? Je pense que cela est plus profond au cœur de ce peuple et que tous ses actes en ressentent l'empreinte. Quitte à aboutir au paradoxe soviétique, internationaliste dans ses propos et nationaliste, voire folklorique, dans ses choix musicaux à la Jdanov.
 
Une autre considération mérite peut-être aussi d'être retenue. La Russie aura subi et subit encore des cycles de concentration et de dispersion de ses créateurs. Les causes effectives sont diverses, mais la vague est profonde. Les compositeurs actuels par exemple sont dispersés dans le monde au point de se demander s'il existe encore une école russe... La Russie a toujours été un foyer d'interprètes de haute qualité, mais n'a jamais été un havre de paix pour les compositeurs, face aux problèmes politiques, économiques ou autres. Saura-t-elle surmonter ce défi de création, qui concerne bien d'autres domaines d'activité russes que celui de la musique ?
 
Je me permettrai enfin une remarque personnelle sur cette musique. La Russie a produit certains chefs-d’œuvre de la musique occidentale dans l'opéra, le piano, la mélodie et les chœurs, la symphonie, entre autres. Tous ont un parfum, un style qui se reconnaissent et ont un charme inimitable. Qui n'a pas fondu, par exemple à l'écoute d'"Eugène Onéguine" ? Ces tensions, ces conflits et cette nostalgie immense qui habitent cette musique n'en sont-ils pas le levain ? Espérons que la dispersion actuelle des talents se résoudra pour nous donner à nouveau une école russe d'une qualité digne de son histoire mouvementée.
 
Fayard/Mirare 2012, 222 pages