Ce récit de la guerre d'Indochine met en évidence les manques et les décisions qui ont conduit au drame que l'on connaît. Il me paraît cependant incomplet et flatte une opinion qui pense tout comprendre sur la base de valeurs et de circonstances qui ne sont pas celles du temps d'alors. Et, comme toujours lorsqu'on parle de guerre, on oublie le plaisir détestable que les hommes ont à la faire, cette terrible part violente et meurtrière enfouie et refoulée, qui est par construction en nous et que la présence au feu révèle toujours. Ce livre nous fait néanmoins souvenir de ce moment de notre histoire nationale, et donne des précisions intéressantes. Mais qu'il est donc facile de juger des décisions et des actes ayant eu lieu 70 ans plus tôt !

 

L'indépendance des anciennes colonies n'avait rien d'une évidence au milieu des années 50 et un référendum n'y eût sans doute pas été favorable. L'ingérence étrangère communiste était évidente et ce n'est pas qu'une guerre d'indépendance qui a été menée là, mais aussi une guerre contre la Chine et contre une idéologie conquérante. Était-ce tellement surprenant de se défendre ? Que les moyens aient été insuffisants pour gagner est une autre affaire, dont l'ignorance ou la non-prise en compte peut valablement être reprochée aux stratèges de l'époque qui auraient dû choisir plus tôt la voie de la négociation. On n’entreprend pas une guerre qu'on n’a pas les moyens de gagner, ni si les appuis sur lesquels on compte sont incertains, voire défaillants.

Quant à reprocher aux politiques leur manque de vision, c'est excessif et partiellement injuste, dans une démocratie où l'opinion du pays est le moteur premier des actes. Si Mendès France a amené la paix, est-ce le résultat d'une vision politique juste, ou tout simplement parce qu'il savait que nous perdions irrémédiablement la guerre ? Quant aux banques, traitées ici de manière injurieuse, qu'ont-elles fait d'autre que défendre leur intérêt et celui de leurs clients ? N'est-ce pas ce pour quoi elles existent ? Que chacun fasse son travail et les vaches seront bien gardées, dit-on !

Enfin, le style ironique, souvent acide de l'auteur révèle une arrogance qui me gêne. Nous n'habitons pas chez les Bisounours et il est étrange d'ignorer que les hommes, même d’État, ne sont pas parfaits. Le drame de cette guerre mal menée aurait mérité plus de considération.

Actes Sud (2022), 205 pages